La chanteuse Frédérique est très appréciée dans son répertoire de chants de marins, de chants de femmes de Bretagne, (son pays natal), et aussi pour des mises en musique de textes poétiques, spectacle « Les filles de la pluie », et autres interprétations de Ferré et Brel. C’est tout naturellement, poésie oblige, qu’elle rend hommage dans ce disque à l’oeuvre de Gaston Couté et celle de Pierre Mac Orlan. L’opus s’appelle « La Chanson des Mauves« , parce que Mac Orlan était allé rendre visite à Couté dans son village de la Beauce, Houdon (à côté de Meung) et que les Mauves, c’est le nom celtique des bras de rivière lents qui serpentent dans la région. L’on comprend que le thème de l’eau et l’appellation d’origine celtique aient séduit la chanteuse. Les deux auteurs ont également partagé des moments ensemble à Montmartre.
Le disque commence par un texte de Gaston Couté qui a été mise en musique par Gérard Pierron, autre spécialiste de Couté. Nous l’avons entendu souventes fois interprété, par Pierron et d’autres. Frédérique y met tout son coeur et fait ressortir le côté réaliste du chansonnier, dont les mots sont assez poignants.
♫ Paraît qu’la Toinon qu’est parti’ coumm’ bonne /Pour aller sarvi’ cheu des gens d’Paris
S’appelle à pésent : Mame la Baronne / Moué, je suis resté bêtement au pays.
Ça ne m’a jamais v’nu dans la caboche / Ed’coller un « De » par devant mon nom…
Et pourtant, du temps qu’j’étais tout p’tit mioche / J’allais à l’école avec la Toinon !
C’est Michel Glasko, subtil accordéoniste qui accompagne la voix de Frédérique, son jeu est toujours précis et léger. C’est un lien de plus entre la poésie de Couté et celle de Mac Orlan. Ces deux camarades de lycée ne se sont pourtant pas beaucoup fréquentés dans leur jeunesse. Les thèmes qu’ils abordent tous deux sont humanistes et réalistes, les peines de coeur, la dureté de l’existence, les rapports sociaux. L’un vient des bords de Loire, l’autre de la Somme. Leur sensibilité pour la destinée humaine les rapproche, l’injustice de la société, et puis le vin, la ruralité pour l’un, l’attrait de la nuit dans les ports pour l’autre. La voix de Frédérique change, selon le pathétique des morceaux, elle s’affine et se rajeunit par moments. De façon générale, l’interprétation est délicate. L’on se passionne pour les bistrots du bord de mer et des filles de joie [Les Saintes-Maries] avec Mac Orlan et puis la poésie de la nature beauceronne avec Couté. La chanson des Cailloux de Couté est riche de symboles, l’amitié, l’eau qui coule inexorablement, la vie qui vous file entre les doigts.
♫ Lorsque nous passions sur le bord du fleuve / Au temps où l’Amour murmurait pour nous
Sa chanson si frêle encore et si neuve / Et si douce alors en les soirs si doux
Sans songer à rien, trouvant ça très drôle / De la berge en fleurs où mourait le flot,
Comme des gamins au sortir d’école / Nous jetions tous deux des cailloux dans l’eau.
Frédérique ©annie claire
Frédérique réussit très bien à partager avec ce disque sa passion pour la poésie de ces deux auteurs, qui ont trouvé certes d’autres interprètes, mais que nous aimons redécouvrir au hasard d’une sensibilité particulière qui met en exergue une tonalité qui nous est chère. Frédérique aime la mer, les femmes racontées par les hommes, les récits transportés par le vent comme Ca n’a pas d’importance, un texte de Mac Orlan que Frédérique nous a chanté en live il y a quelques jours à Paris. (Germaine Montero l’avait interprétée à l’Olympia en 1956)
♫ Simone aime les matelots / Les matelots aiment qui les aime
Et moi je peux penser de même / Car c’est là mon moindre défaut
Mais si la mer plaît aux bretons / C’est qu’elle les tient en son giron;
Et tant pis pour qui mal y pense / Ça n’a pas tellement d’importance.
Surtout ne vous faites pas prier pour aller voir Frédérique en concert, si la chanteuse est talentueuse, la femme est sympathique et pleine d’humour.
Annie Claire 28.06.2019