YVAN DAUTIN Mon article paru dans FrancoFans n°86 Janvier 2021

 

Voici le texte de l’article que j’ai écrit pour FrancoFans et qui a été publié en début d’année. J’ai toujours eu beaucoup de plaisir à rencontrer cet artiste dont l’esprit vif et courtois me plaît beaucoup. De plus son authenticité casse toutes les barrières de l’âge ou des classes sociales, je considère cela comme un très grand talent.

YVAN DAUTIN  Le coeur à la chanson !!

« Yvan Dautin est un artiste à part, un chanteur à part entière et un humain qui se fait la part belle dans nos coeurs. Talentueux, les yeux rieurs, l’homme est à la fois doux et rebelle, chaleureux et lucide, aimant des hommes le côté coeur, mais pas le côté calcul. Il sort chez EPM une joyeuse compilation d’une centaine de chansons de son répertoire qui doit en comporter au moins le triple au total, «La plume au coeur».

Originaire de Saint Jean-de-Monts en Vendée, Yvan Dautin est d’origine modeste. Ses années d’enfance semblent avoir éveillé en lui une conscience politique délibérément ancrée à gauche. Ses études de lettres auraient pu le conduire au professorat, mais il a préféré le monde de la chanson, un monde à part, mais un monde bien à lui. Yvan y a côtoyé toutes sortes de gens, des gens de peu, qui l’intéressent bien, et des gens de beaucoup, qui l’intéressent moins. Son esprit critique s’est toujours exercé à travers sa plume qui reflète une fine analyse de la société. L’artiste écrit des textes incisifs, toujours teintés de poésie et de clairvoyance, quant à ses mélodies, elles sont très variées, efficaces et recherchées. Sa voix est extraordinairement posée et se prête à tous les styles musicaux. En effet il y a le Dautin humoriste, le Dautin chanteur de charme, et aussi le Dautin engagé. Dans sa très riche production musicale, l’on trouve beaucoup de pépites et je mets au défi quiconque n’a jamais écouté un seul de ses titres de ne pas tomber amoureux à la première écoute de cette écriture, de cette musicalité, de cette sincérité.

Beaucoup de naturel, un charme fou

Yvan Dautin est un chanteur original, personne n’a réussi à lui coller un étiquetage destiné à le faire entrer dans une catégorie. Ses seules religions sont l’amour et l’humour, ce qui lui a permis de faire de beaux succès de variétés, mais également d’exceller au théâtre, à la radio et la TV. Avec tout ce qu’il a vécu, on pourrait penser qu’il puisse à la septantaine devenir un peu cynique, un brin désabusé, légèrement démotivé. Il n’en est rien, après quelques années difficiles où il a été moins productif, victime d’une attaque en règle du cancer, il a sorti le CD très percutant Ne pense plus, dépense! en 2008, et le bien émouvant album Le coeur à l’encan en 2012. Pour ses cinquante ans de carrière, il s’est fait (enfin) coffret, comme il le dit lui-même. Cet été EPM vient d’éditer un superbe recueil avec 102 de ses chansons un quadruple album «La plume au coeur» qui contient ses tubes les plus connus, La Méduse, La Malmariée, Boulevard des Batignolles… Lors de nos entretiens, Yvan Dautin me confie qu’il prépare également un nouvel album pour 2021.

Dautin, mais pas hautain du tout, le chanteur est le père de la femme politique féministe Clémentine Autain. Il est assez fier de sa fille, lui ayant transmis quelques bonnes valeurs sociétales libertaires et égalitaires. Certainement aussi, c’est de lui qu’elle tient sa pertinence, sa clairvoyance et sa probité.

Les belles années du showbiz.

Quand Yvan Dautin nous parle de sa famille de coeur, celle de la musique, il porte un regard acerbe mais juste, qui reste toujours bienveillant sur les nombreux artistes qu’il a fréquentés lors de ses très nombreux tours de chants. C’est avec beaucoup d’admiration qu’il parle de Julien Clerc, pour qui il a fait le présentateur, puis les premières parties, notamment à l’Olympia de Paris, comme il dit. C’est avec reconnaissance qu’il parle de Maxime Le Forestier qui lui a ouvert une place dans la chanson. C’est avec une grande amitié qu’il dit que Georges Moustaki était le chanteur le plus sympathique et le plus cool qu’il ait connu. Il a fait avec lui la tournée des théâtres de banlieue. A l’Ecluse et à la Tête de l’Art où il faisait comme il dit les levers de torchon, il a connu entre autres Cora Vaucaire, Jacques de Bronckart, Serge Lama, Barbara (qu’il trouvait très drôle «elle était assez diva, elle en jouait».

En scène depuis 1968, Yvan Dautin a fréquenté le Petit Conservatoire de Mireille avec amusement. On l’a entendu pendant deux ans sur France Inter dans l’émission de Pierre Desproges le Tribunal des Flagrants Délires avec Claude Villers. Renaud a même fait sa première partie en 1975 à la Pizza du Marais, la Zappi de Lucien Gibara (actuellement théâtre des Blancs Manteaux).

Sur les bancs des derniers

Lors des entretiens que j’ai eus avec Yvan Dautin, celui-ci s’est montré plein d’humour, analysant les péripéties de sa carrière comme autant d’opportunités, avec modestie et perspicacité. S’il a été, jeune homme, photographe de plage à St-Brévin-les-Pins pour survivre, il lui arrive d’avouer qu’en classe il était réservé, plutôt mélancolique. Dans la conversation, Yvan souligne qu’il a souvent fait partie des derniers. Historiquement, il a en effet été parmi les derniers à passer l’examen d’entrée en sixième, les deux baccalauréats, et à réussir (en deux ans) l’examen de propédeutique. Tout ceci a été supprimé après lui. Il a également été un des derniers à gagner le Relais de la Chanson organisé par l’Humanité avec son grand tube La Méduse, et à passer à l’Ecluse en 1970. «J’ai fermé l’Ecluse» ironise t-il.

L’on a dit de lui qu’il était un romantique refoulé, lui-même parle de lui comme un pessimiste-gai. C’est surtout un poète qui a l’élégance de traduire sa réserve et sa pudeur en de bien belles images de la société qu’il donne à découvrir dans ses chansons. Si certains ne retiennent de lui que l’aspect rigolard, plaisantin, aspect qu’il ne renie aucunement, d’autres comme moi remarquent dans sa démarche un fin travail sur l’absurde qui rend la vérité plus acceptable. Yvan Dautin s’attache aux aspérités que croisent les animaux sociaux que nous sommes, dénonçant ouvertement les abus de pouvoirs et les injustices.

Il fait penser à Bourvil dans son expression naïve et éclairée, à la fois tendre et profond. Les journalistes, qui sont souvent des fainéants, dit-il avec humour, l’ont souvent comparé à Bobby Lapointe. Il s’y reconnaît moins lui-même, parlant plutôt d’une influence, d’une teinture Charles Trenet.

Si Yvan Dautin parle volontiers de sa famille, en toute sincérité, point n’est besoin d’insister sur ses tourments de jeunesse pour analyser ses plus belles chansons. La Mal Mariée et La Méduse évoquent des personnages maternels. La Boulangère, la Portugaise (musique de Julien Clerc), la Dame Cendrillon sont des portraits féminins incisifs et touchants. Boulevard des Batignolles (musique d’Etienne Roda-Gil) évoque un quartier de Paris où il a vécu et rencontré les premiers SDF dans les années 80.

Et l’argent dans tout ça?

Tous ces sujets sont pathétiques, Yvan Dautin, peintre humaniste de son temps, pense que le bonheur n’est pas pour lui un thème d’écriture. Il préfère «mettre des mots sur la douleur» plutôt que de chanter la romance d’amour. L’épicier qui coupe son andouille , L’huissier blindé et cynique évoquent des écoutes à plusieurs niveaux d’interprétation. Yvan Dautin n’aime pas l’esprit de compétition qui anime les hommes et les poussent à devenir des épiciers, comptables de l’argent qui les fait marcher d’un pas ferme et résolu, au pas de l’oie. (Ne pense plus, dépense).

Avec cette course folle pour gagner toujours davantage, les gens passent à côté du bonheur, pense t-il. Je ne sais pas composer avec les épiciers, avoue t-il aussi, faisant allusion aux marchands de soupe qui matraquent à coup de médiocrité les oreilles d’un public au sens critique complètement amorti.

S’il a reçu en 2006 le Prix René-Jeanne de la Sacem pour l’ensemble de sa carrière ainsi qu’en 2019 Le Prix Jacques Douai, Yvan Dautin n’a jamais fait aucun disque d’or, malgré sa belle production discographique. Je n’ai jamais été à la mode, je n’étais pas fait pour le succès, dit-il avec humilité. Je suis plus reconnu que connu. Une chose est sûre, en tant que chanteur de variété, ses paroles sont trop recherchées, en tant que chanteur à texte, Yvan Dautin est sur les traces de Brel ou Ferré, qu’il aime bien interpréter d’ailleurs. On se régale de «T’en as»(Ferré) et «Monsieur William» (Ferré – Caussimon, en écoute ici) sur le dernier coffret La Plume au Coeur. Ferré, il a fait de la chanson un art majeur, confiait Dautin au micro d’Hélène Hazera en 2009 dans Chanson Boum sur France Culture.

Du swing et des rires

Les musiques chez Yvan Dautin sont toujours très dansantes, tango, salsa, java, valse ou jazz, toujours enlevées. Elles sont servies par des musiciens au sommet de leur art, citons Paul Castanier, Bernard Lubat, François Rabbah, Jean Musy, Jacques Bedos, Gérard Jouannest et l’ami de toujours Angelo Zurzolo. Yvan Dautin parle avec beaucoup de déférence de ses musiciens, réalisateurs, directeurs artistiques. En plus d’être un homme d’esprit, c’est un homme de coeur que chacun souhaiterait avoir pour ami.

Yvan Dautin photo ©annie claire

Merci à ce poète si tendre de m’avoir réservé de bons moments pour nos échanges, lors de ses concerts et en entretien privé. On ne se quitte pas sans une belle chanson d’amour, ici.  A bientôt pour un prochain article.

Annie Claire

22.07.2021

Une réponse à “YVAN DAUTIN Mon article paru dans FrancoFans n°86 Janvier 2021”

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