FACTEURS CHEVAUX
La Maison sous les Eaux
Le dernier album de Facteurs Chevaux est emballant, au sens propre. C’est une chevauchée, une embardée vers des grands univers purs, une invitation quasi mystique à un partage, un passage de nature initiatique. « Buvons la sève d’une route en séquoia ».
« La maison sous les eaux » La Grange aux Belles/Modulor, c’est huit titres d’élévation spirituelle. L’atmosphère est davantage celle d’une cathédrale que d’un studio d’enregistrement. Les guitares sont pures et naturelles, les voix sont à l’unisson. Le texte est fortement évocateur « Ton ombre danse sur le chemin/Les dames de pluie ». Qui pense aux déserteurs de la grande guerre? Les accords de guitare nous ramènent à Boris Vian, et l’inconscient fait le reste.
Sur scène Fabien Guidollet et Sammy Decoster ont une gestuelle rapprochée et ralentie qui aide à la concentration. L’auditeur n’est pas attiré par des effets d’instruments ou des déplacements superfétatoires. Ils occupent l’espace avec concentration et simplicité. Déjà, pour le concert aux Trois Baudets, ils sont arrivés de la salle. Ils ont commencé à chanter dans le public, sans amplification. Silence religieux, c’est le cas de le dire. Au delà des habitudes des jeunes artistes qui hantent cette auguste salle, ils imposent une écoute essentielle.
Impossible donc de se dérober à l’ambiance de religiosité qu’ils installent. Peu de paroles d’introduction, les textes se déroulent dans nos têtes, soulignés mais pas encombrés par des riffs de guitare. Fabien Guidollet en particulier fait un usage particulier de cet instrument, tout en légèreté et en subtilité. Ce sont les accords de voix qui portent la mélodie, dans une configuration conventuelle et peu habituelle encore une fois dans les salles de concert.
Allusions aux textes sacrés, subtiles métaphores, « les Renards gémissent dans la forêt des druides« . Comprenne qui pourra pourquoi Les renards sont tombés dans le vide/ … Aux confins de la terre/Ils ont perdu la guerre/… La terre les a mangés.
Les mots sont simples pourtant, ce sont les évocations, les incantations, les répétitions entêtantes qui emmènent l’esprit vers le sens.
Valhalla ♫ Valhalla ♫ Valhalla ♫ Valhalla
De la nature au surnaturel, il n’y a qu’un pas, que nous faisons à l’écoute de Facteurs Chevaux. Les artistes ont beau nous raconter sur scène des explications prosaïques, sur la formation de leur nom de scène par exemple, dans le public, le recueillement subsiste, la magie ne s’éteint pas.
Musicalement, on perçoit des accords à la guitare qui nous font penser au Partisan de Léonard Cohen, dans le morceau « Les dames de pluie ». Dans le dernier morceau « Scie », c’est très clair, lancinant et toutes ces rimes en « i » trompent notre attention. Ailleurs, on a cru entendre d’autres mélodies célèbres, la puissance de l’évocation est perfide et efficace.
Le disque procure un plaisir infini, le concert est une célébration que l’on ne voudrait pas voir se terminer.
Annie Claire 10.10.2016