Pour sa sortie d’album « L’Ankou », Melissmell a fait le plein de fans à la Maroquinerie, ce 27 octobre. Plus une place où poser ses pieds, c’était plein comme un oeuf, et l’artiste était littéralement portée par l’enthousiasme qui se dégageait de la salle.
Soan en première partie
En première partie elle avait fait venir Soan, un ami chanteur avec qui elle a fréquenté les bars chantants, notamment au Café La Liberté à Paris, à l’époque de leurs débuts. Il a bien renvoyé la balle à Melissmell, n’ayant de cesse de citer son nom, de l’interpeller, de la remercier. Elle-même depuis la coulisse lui répondait, c’était assez touchant.
Bousculade à la Maroquinerie
Quand fut venu le tour de Melissmell de chanter, chacun voulait la meilleure place. Photographes accrédités, nous ne devions prendre des clichés que pendant les trois premiers titres, impossible de respecter les consignes, tant le concert était dense, tant nous avions envie d’en relater le moindre moment. La fosse était pleine de gens immobiles, attentifs, buvant les mots de Melissmell qui a atteint un niveau de charisme extrêmement fort, il faut le souligner. La coursive était pleine de personnes de tous âges, debout, assises, et comme les fumées sur scène étaient denses également, il fallait avoir une excellente acuité visuelle pour ne rien perdre des expressions de la chanteuse pendant ces deux bonnes heures qu’a duré le concert.
La rage au coeur
Dans cet album « L’Ankou », Melissmell hurle sa rage contre la société, son engagement monte et elle n’a pas peur de dénoncer la bien-pensance et l’endormissement des masses devant le pouvoir de l’argent, notamment. Bérurier Noir, Noir Désir, Nirvana sont les références qu’on lui attribue souvent, il y a aussi du Ferré dans celle qui dit pouvoir « Crever pour des idées ».
L’album est très rock dur, très courroucé, et le visage de Melissmell sur certains morceaux exprime une colère bien installée. Même si l’on sait l’artiste capable de beaucoup de douceur, de féminité, d’attendrissement, force est de constater que, sur scène, elle n’est pas là pour séduire, mais pour convaincre.
C’est alors que l’on pense à Flow, qui dégage également sur la scène des volutes de rage irrésistibles, appuyés par une écriture sans faille.
Comme sa collègue, Melissmell a un timbre de voix en totale adéquation avec cet engagement. Elle a la voix de quelqu’un qui sait crier haut et fort, qui l’a beaucoup fait, et ne s’arrêtera pas de le faire. Son timbre est rêche, chargé des mille fissures qui sont ses atouts, son opiniâtreté, son endurance, ses valeurs. On s’attache à la voix de Melissmell, aux mots de la chanteuse, et à la musique de ses textes.
Rap, rock, musique forte
Aux armes! aux instruments! tout est mis en oeuvre pour guerroyer, convaincre, car « La fraternité se meurt », nous n’avons plus le temps, entrons en lutte contre la mollesse des masses, l’individualisme galopant.
« Le pendu » est un titre phare dans cet album, claire allusion à la Ballade des Pendus de François Villon, un texte de référence sur la mort. L’Ankou est une divinité de la mort. Cette mort n’est qu’un point de repère qui nous fait sentir vivants, comme chez Villon, et devrait nous faire sentir solidaires « Frères humains ». « C’est la lutte finale« , réveillons-nous, tous ensemble pour le refus de la médiocrité, de l’endoctrinement « Adieu l’église« , des machines à broyer l’humain de notre société de consommation.
Le sourire de Melissmell n’est jamais loin
Tout au long de ces violentes incantations inspirées, Melissmell s’est montrée vivante plus que jamais. Lorsqu’elle a chanté, avec seul François Matuszenski au clavier « Je me souviens », sa douceur et son côté enfant meurtri se sont faits sentir :
Je me souviens Maman
Des rêves qu’on avait
Je me souviens des temps
On nous marchions ensemble
J’avais des rêves Maman
Des rêves de liberté
J’aimais rêver Maman
J’aimais la vie Maman
Melissmell parle de la vie dans un album qui titre sur la mort
Oxymore ou exorcisme, cette artiste-là n’a rien d’anodin, chacun de ses titres nous emporte. Je l’avais suivie dans les salles où elle a rodé les titres de cet album, le Limonaire, la Barricade, elle a su nous rendre addicts, nous tenir en haleine pendant les mois qu’ont duré la maturation du CD.
Aujourd’hui, l’ampleur de son accompagnement musical a donné encore une autre dimension à son message, et la chanteuse s’est transformée en rockeuse n’ayant (presque) plus rien à envier à la dévastatrice Janis Joplin que nous vénérons (et à laquelle j’ai également réservé un article ici).
Ce qui se dégage de prime abord quand on rencontre cette artiste, que ce soit à la ville comme à la scène, c’est sa totale authenticité, son honnêteté intellectuelle, une valeur qui fait défaut à beaucoup de nos contemporains.
Annie Claire 28.10.2016