
Pour la rentrée littéraire 2025, Alissa Wenz publie aux Editions Les Avrils une passionnante biographie romancée de la musicienne Mélanie Bonis [1858-1937], une musicienne talentueuse, rayonnante, mais empêchée, dont le destin prometteur fut contrarié par les conventions sociales de l’époque.
Sociologie d’une époque superficielle et machiste
Tout au long des 304 pages de cet ouvrage, Alissa Wenz nous fait vivre l’histoire bouleversante de cette femme, pianiste, compositrice, avec de courts chapitres sur un rythme haletant en imaginant les « couleurs et les contours » de sa vie parsemée d’embûches dressées par une société corsetée qui ne sait pas faire une juste place aux femmes méritantes. Tenir une maison, mettre au monde les enfants des hommes, s’occuper de la famille, Mélanie Bonis l’a assumé avec calme et respect. Elle aspirait à une meilleure destinée, celle de devenir compositrice reconnue, c’était impossible dans le contexte de son siècle.
Avec un style « impressionniste », par petites touches colorées et vibrantes, Alissa Wenz décrit comment Mélanie Bonis est devenue Mel Bonis en naviguant habilement mais aussi dangereusement et douloureusement entre « obéissance et passion ».
L’on sent tout au long de cette captivante biographie combien l’autrice s’est rapprochée de son sujet au point de présenter son récit à la deuxième personne, écrivant familièrement : Tu aimerais crier. Tu ne sais pas. Le silence est aussi à l’intérieur de toi. Le lecteur est ainsi interpellé à son tour, concerné par cette lutte permanente contre l’adversité sociétale.
Une vie animée par la passion et le désir
Les parents petit-bourgeois de Mélanie Bonis l’autorisent à apprendre le piano, puis fréquenter le Conservatoire de la rue Bergère où elle côtoie comme condisciples ou professeurs Claude Debussy, César Franck, Erik Satie, Ernest Chausson, Gabriel Fauré, et surtout Amédée-Louis Hettich connu comme chanteur, poète, musicologue sous l’inspiration de qui elle se met à composer avec enthousiasme. La passion gagne les deux artistes qui nourrissent au fil du travail régulier une fusion des labeurs et des esprits.
La mère de Mélanie Bonis s’opposant définitivement au projet de mariage de sa fille avec cet artiste insuffisamment fortuné, Mélanie doit accepter son sort et un vieux mari deux fois veuf, mais opulent, choisi par sa famille. Sa vie perd tout relief, elle s’étiole dans les travaux matériels d’une femme mariée qui doit tenir le rang d’un époux nanti.
Un récit teinté d’un féminisme sous-jacent
Devenue Madame Albert Bonange, Mélanie change de train de vie, mais n’oublie rien de ses passions et aspirations. Elle met tout en oeuvre secrètement pour retrouver son Amédée, la lecture est palpitante. Bien sûr elle y parvient et revivra des heures exquises de partage de sentiments et de musique, au sein toutefois d’une cage plus dorée qu’auparavant, néanmoins contraignante.
Les deux êtres sont à ce point liés qu’après des vicissitudes nombreuses et variées, ils décèdent séparément en 1937 à 18 jours d’intervalle. Alissa Wenz nous aura tenus en haleine avec ce tableau coloré d’une période qui n’est pas si loin de la nôtre où les passions se vivaient dans les alcôves pour les femmes et au grand jour pour les hommes qui eux pouvaient devenir célèbres et puissants.

En guise de conclusion, voici page 284 quelques mots qui résument le livre : « Tu as été sensuelle, créatrice, talentueuse, insolente, infidèle, inspirée, amoureuse. Personne ne soupçonnerait à quel point tu as été vivante. »
Ce livre a déjà séduit les libraires et les critiques en cette rentrée 2025, il va vous intéresser j’en suis certaine, c’est une oeuvre subtile et éclatante, comme son autrice dont j’ai également annoncé ici la sortie d’un disque « Voleuse », coup double pour Alissa Wenz dont je salue le talent et le travail. Alissa Wenz dédie son livre à Olivier, sans doute Olivier Philippson avec qui elle a oeuvré pour son disque. Joli !!
Annie Claire
26.08.2025