Hélène MARTIN 1928-2021 La voix de la poésie

 

J’ai connu Hélène Martin dans les années soixante-dix à Paris. C’était l’ouverture du Centre Georges Pompidou, et cette perspective culturelle attirait dans le quatrième arrondissement des initiatives de chanson, de poésie. Nous désertions le Quartier Latin pour venir écouter dans une salle en sous-sol du Centre Beaubourg Hélène Martin, et puis à la même époque Michèle Bernard, qui elle chantait avec son accordéon dans une construction provisoire sur ce qui est devenu plus tard le parvis du Centre Pompidou. Hélène Martin nous séduisait par la pureté de sa voix, par sa présence scénique formidable et son jeu de guitare aussi riche que percutant. Elle chantait comme plus tard ses chansons, et les chansons des poètes qu’elle avait mis en musique. C’est Lucienne Desnoues qui nous plaisait surtout, car ses textes allaient si bien à la longue voix de notre idole.

Mes amies, mes amours. Nous étions une dizaine d’étudiantes et plusieurs étaient déjà accro au journalisme, ce qui nous donnait un alibi pour aller parler avec Hélène Martin qui se montrait alors très amicale, tout en conservant une certaine réserve qui allait de pair avec l’époque. Hélène Martin, c’était déjà Liberté Femme, une artiste que l’on vénérait. Certaines d’entre nous chantaient et jouaient de la guitare. Les soirées se passaient à apprendre ses chansons et à les chanter ensemble, nous ne nous lassions pas. C’est tout naturellement que j’ai retrouvé mes amies de jeunesse au Théâtre des Bouffes du Nord en 2009. Hélène Martin était restée L’essentiel de nos vies. Quel bonheur aussi de la retrouver avec son remarquable guitariste Jean Cohen-Solal. J’ai réalisé un reportage de ce concert dans le Petit Format, le journal du Centre de la Chanson.

©annie claire

Il m’arrivait de croiser Hélène Martin, toujours aussi discrète au Festival de Barjac. Elle y avait reçu des mains de Jacques Bertin le prix Jacques Douai. La photo ci-contre date de 2017 à Barjac. C’était toujours un plaisir de la voir, et je faisais volontiers le déplacement pour aller l’écouter, comme au Salon du Livre par exemple. Inutile de préciser que c’est en 33 Tours que je possède la discographie d’Hélène Martin. Quelques CD ont été produits par sa propre maison d’édition  Cavalier dans les années 2000. Depuis, la firme EPM a réalisé un important travail de compilation et a sorti Virage à 80, l’Intégrale du concert des Bouffes du Nord, ainsi que deux CD : Hélène Martin Le désir en 2019.

Je reproduis ici le récit de son parcours dans les cabarets, glané sur l’excellent site Le Maitron.  Elle passa une audition à « l’Écluse », où on lui conseilla de poursuivre et de trouver un répertoire propre tout en lui donnant carte blanche pour s’y produire chaque soir. Hélène Martin débuta dès lors ses tours de chants et rencontra Cora Vaucaire, Giani Esposito, et Jacques Fabri, entre autres. Elle fit alors profession de ses performances scéniques et, avec l’aide du chanteur de cabaret André Schessler, elle se forgea un répertoire et monta sur les scènes du « Bar Vert », du « Port du Salut », de « l’Arsouille », et du « Milord », où elle fit notamment la rencontre de Serge Gainsbourg et Georges Moustaki. Francis Claude, animateur de ce dernier cabaret, fit souvent appel à Hélène Martin pour enregistrer des chansons dans le cadre de l’émission télévisée dont il s’occupait alors à l’ORTF. 

C’est avec l’aide de Jean Giono, qu’elle rencontra dans ces années, qu’Hélène Martin renoua avec la chanson. Par l’intermédiaire de l’écrivain provençal, elle lia connaissance avec Lucien Jacques, qui l’encouragea à réenregistrer. Hélène Martin remonta alors sur scène et se produisit entre autres à « La Colombe » et « La Contrescarpe ». Elle élargit alors son répertoire à de nombreux poètes, parmi lesquels Louis Aragon, Raymond Queneau ou encore Pierre Seghers. Dans le début des années 1960, proche du PSU, sans jamais en être membre, Hélène Martin prit position contre la guerre d’Algérie. Dans la même période, elle se produisit à plusieurs reprises à des galas de soutien organisés par les anarchistes.

En 1961, elle fut récompensée par le Grand-Prix de l’Académie Charles-Cros. Dès l’année suivante, elle fut en contact avec Jean Genet, qui l’avait félicité pour son travail. Cette même année 1962, Hélène Martin participa, avec Jacques Marchais et Francesca Solleville, à une tournée organisée par Le Théâtre national populaire de Villeurbanne qui les conduisit dans une Algérie indépendante depuis peu. Voici le lien.

Une affiche des années 80 qui se trouve dans ma maison en grand format

Hélène Martin a quitté la vie ce dimanche 21 Février, et les journaux vont parler en détail de sa carrière de chanteuse et de poétesse. Je la savais unie à Francesca Solleville et Anne Sylvestre. Je suis un peu remuée par son récent départ qui suit de peu celui d’Anne Sylvestre. Il n’est pas impossible que je sois capable un peu plus tard de faire un article plus complet sur son parcours artistique, je garde en moi l’image d’une femme libre et engagée, forte devant les épreuves, et dont le regard intense ne pouvait laisser indifférent. Voici ma chanson préférée d’elle.  

Annie Claire 21.02.2021

 

 

2 réponses à “Hélène MARTIN 1928-2021 La voix de la poésie”

  1. Beau témoignage, bel hommage pour une femme debout, exigeante et fière, qui joua un rôle essentiel dans la transmission de la parole poétique. Merci!

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