Nicolas La Lune sur scène c’est grande marée
Lames de fond, secousses imprévisibles, voilà les émotions qui émanent de ce groupe, très fort, très énergique. Nicolas Pantalacci a tout du jeune chanteur lunaire. Oui, mais, bon… Il est très grand et sous son aspect d’ado attardé, on subodore qu’il n’a plus vingt ans depuis un certain temps. Coupe de cheveux tout en avant avec frange sur les yeux à la Renaud, chemise à carreaux, l’artiste démarre très fort par un « Bonsoir ! on va faire des chansons » très décidé. Déjà, on s’attend à être étonné. Les garçons se cachent pour pleurer donne le ton, on ne va pas se raconter des histoires, on va parler vrai et se laisser toucher par les textes justes et le relief de la mélodie.
Fort capital sympathie/empathie
Nicolas la Lune parle beaucoup sur scène, mais ses paroles ne sont pas convenues. Pas de « Bonjour Paris » non, les mots sont directs et touchants, genre il vaut mieux venir d’une famille riche et célèbre (son cas) plutôt qu’en Éthiopie de parents pauvres et dépressifs. On dirait un sale gosse triste qui vient raconter sa peine, tout en pudeur et en déballage à la fois. Il explique ses parents morts, les mots sont crus comme ceux des enfants, mais il y a de l’élégance et même de la retenue dans les propos.
Parlons musique
Pas moins de cinq claviers sur scène, basse, batterie, guitares, violon, mandoline. Les zicos échangent leur place, ils sont charmants et d’une efficacité redoutable. On dirait le fils de Bertignac à la guitare électrique et au clavier. Ca déménage du décibel dans la salle toute en profondeur de la Boule Noire. Le son est rond, les arrangements sont travaillés et servis par des instrumentistes brillants, Frédéric Monaco à la batterie, Sébastien Collinet aux claviers, et à la basse, Jean-Pierre Bottiau guitare, claviers, choeurs, Gaël Derdeyn au violon, mandoline, claviers et voix.
La voix du chanteur reste toutefois en avant, sa personnalité nous envahit, nous étonne, nous touche. Fragilité assumée, désespoir arrangé, l’artiste se raconte, se dévoile avec une sincérité désarmante. Sa poésie pourrait être celle d’un Renaud cousiné Souchon. La comparaison s’arrête là, car les tempos sont forts et les mélodies turbulentes. Les rythmes balaient les idées noires Y’a plus de Papa, il n’y a plus de Maman non plus, mais on ne va pas en rester là, hein ? On hésite à doser le cynisme, la causticité et l’humour grinçant dans ces textes que l’on devine libérateurs. On s’en prend une petite leçon de vie au passage, d’ailleurs on n’a pas le choix, on est dans la tourmente, on est tombé un jour de grande marée. Ca pleut, ça vente de tous les côtés, et la vague de fond est imprévisible.
Et Renaud dans tout ça ?
Nicolas Pantalacci a bu du Renaud dans son biberon, et forcément ça s’entend. D’ailleurs il a un autre spectacle sur Renaud, dans lequel il ne chante que du Renaud, revisité certes, mais Renaud quand-même. Ce soir, Nicolas nous chante une de ses chansons très en situation La teigne avec des arrangements qui sont tout sauf pleurnichards. Et puis aussi une chanson que Renaud a chantée qui est de Coluche paroles et musique Soleil immonde. En fin de concert, l’artiste nous invite à faire une immense clameur pour Fabien Boeuf avec qui il a composé une chanson On reste là. Fabien Boeuf vient de faire une première partie des plus subtiles dont je parlerai par ailleurs. Les deux chanteurs nous la chantent, c’est pur délice. Des moments comme ça, on voudrait en vivre tous les jours.
Allez voir les artistes sur scène ! C’est bon pour le cœur et ça donne la patate. Surtout ceux-là ! Monsieur Lune sera d’ailleurs de nouveau à la Boule Noire le 17 Juin 2015 !
Article paru sur LaMagicBox le 13 Mai 2015.
Annie Claire 11.05.2017