J’étais entrée dans l’univers étrange de Samuel Covel en 2019 avec son EP « Mue Imaginale ». Et pourtant je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, à l’époque, de cet intéressant auteur qui développe sa pensée avec ce premier album très abouti. Dix titres fort inquiétants et riches musicalement nous invitent à la réflexion. Si à la fin de l’écoute nous ne sommes pas ébranlés dans nos certitudes, c’est que nous sommes décervelés, le neurone étranglé par les médias, l’intelligence assassinée par les écrans.
L’écriture de Samuel Covel est puissante, son interprétation revêt des accents bréliens, avec cette même force de conviction et de poésie, avec cette clairvoyance sur le fond de l’être humain et sa recherche inassouvie de sens. L’album s’appelle La Nuit. La nuit tout est permis, les doutes, les outrances, les hallucinations, les flashes de lucidité, les rêves les plus fertiles. Nicolas Del-Rox excelle aux percussions angoissantes, les atmosphères sont palpables.
Samuel Covel est très proche de son frère Martin Cauvel, peintre, qui a réalisé les visuels de l’album et du livret, traduisant en images l’aspect effrayant de la performance nocturne musicale. Je vois dans cet opus une intensité salutaire dans la mise en garde des chemins de pensée réconfortants mais amollissants des organes d’information qui sont en réalité des « vautours radiophoniques » des « centrifugeuses de la tête », les mots sont volontairement rudes, ils dérangent. Je soumets à votre écoute le titre Les chiens qui vous évoquera je pense un certain Jacques Brel, et qui est assez représentatif de cet album attachant et fort. Vous allez en vouloir un autre, voici l’étrange Madame Voyageur qui donne à réfléchir. Décidemment Samuel Covel a du mal à dormir la nuit et il nous transmet son infernale vigilance issue de la planète Larzac.
Annie Claire
18.10.2023