Son dernier album « A vendre » nous avait déjà déroutés, dans le bon sens bien sûr. Adieu les sentiers battus de la chanson française, bonjour la liberté, l’évasion en dehors des codes. Oui l’accordéon traditionnel peut s’allier avec les machines électroniques. Non il n’est pas pas obligatoire d’avoir une mélodie pour créer une chanson, de bons textes peuvent s’appuyer sur des rythmes de hip-hop. Dans son spectacle, Pierre Mourles prouve que les mots peuvent s’allier à des rondes de danse échevelée et que la musique peut créer des chemins de l’expérimentation d’une écoute nouvelle.
Simple, souriant, Sangue apparaît sur scène avec son look d’enfant sage, pantalon et chemise clairs, la mèche bien disposée façon Cambridge. Début de concert plutôt calme, l’accordéon règne en maître, la voix assurée se faufile hardiment pour entrelacer les mots, la magie Sangue nous gagne. Déjà les textes sont malins, on y décèle du Brel caché, « Je chantais la rosée et les perles de pluie… Sur le port d’Amsterdam, y’a des marins qui dorment »(Dans l’Ouest). Forcément on s’y attelle, à essayer de comprendre son langage déstructuré. Il semble qu’il nous attache l’écoute avec des liaisons inattendues, qui à peine perçues disparaissent au profit de nouvelles images construites différemment.
Tandis que les lumières se déchaînent, les sollicitations scéniques se multiplient. Entrechoc accéléré de couleurs, de formes, de sons, nous voici dans une construction précaire et originale. La maison est symbolique d’un univers à bâtir pour se prémunir du froid, du vent, de la mer, pour se retrouver, être pensant, hors temps, hors espace. L’artiste vient du théâtre et de la danse contemporaine, on comprend mieux son évolution vers des chorégraphies débridées et rapides comme l’éclair. Posant momentanément l’accordéon, Sangue s’envole en sauts et entrechats sur scène qui n’ont rien de l’improvisation et sont parfaitement maîtrisés.
Pierre Sangue m’avait interpellée déjà en 2016 en demi-finale Zébrock à FGO Paris. Evidemment j’étais allée le voir en finale à La Maroquinerie. J’en ai souvent parlé dans mes posts Facebook. C’est un artiste sympathique qui explore des formes nouvelles d’expression. Son programme solo s’est enrichi cette année d’un batteur qui complète bien les effets de son électro-pop-folk onirique. L’artiste est inspiré, mais inspirant aussi. Au sortir de son spectacle, l’on se sent moins lourd, moins gourd, comme délié, allégé. Merci et bravo Pierre!
Annie Claire 06.04.2018
Une réponse à “Sangue tangue dans le Petit Bain”