Festival PAUSE GUITARE 2018 (2) Expérience Acadie

Festival d’envergure nationale oblige, le Nouveau Brunswick s’invite pour une présence forte dans son Pavillon Expérience Acadie, dont j’ai déjà parlé l’an passé au Festival Interceltique de Lorient et à Albi, pour le précédent Pause Guitare 2017. Expérience Acadie est un puissant dispositif international dont le but est de faire connaître les artistes et musiciens d’Acadie un peu partout en Europe. Il est chapeauté par François Emond, assisté, hélas pour la dernière fois, par Christine Lavoie qui anime aussi la FrancoFête de Moncton.

Pour cette 22ème édition de Pause Guitare [devenue officiellement Pause Guitare Sud de France, Sud de France étant une marque de la Région Occitanie], L’Acadie a délégué, en plus d’un kiosque touristique destiné à renseigner les voyageurs sur cette belle région, quatre groupes bien originaux, Shaun Ferguson, Cedric Vieno, Spoutnique et Thomé Young.

Il était possible de les voir se produire sur la grande scène d’Expérience Acadie en centre ville tous les soirs, et nous avons eu le privilège d’une représentation privée au Café Plùm destinée aux professionnels.

Comme je le disais l’an passé, Pause Guitare aime les artistes d’Acadie et leur réserve une bonne place dans les événements du festival.

Cette année, Shaun Ferguson, que nous connaissions comme brillant instrumentiste, nous présente, en plus de ses pièces instrumentales inspirées et contemporaines, à l’occasion d’un nouvel album « Résilience« , des chansons bien intéressantes, issues du répertoire acadien « shaunisé » comme il le dit lui-même, dont une chantée par Marie-Jo Thério écrite par son frère Marc Thériault « Le chant d’Hélium« ,

et un morceau écrit par Doug Seegers « Going down to the river« , notamment. Shaun Ferguson, avec ses accompagnateurs, Marie-Andrée Gaudet au violon et Julien Braut à la contrebasse, son violoncelle et ses multiples guitares ont bien galvanisé l’assistance albigeoise avec leurs riches sonorités acoustiques. Personnellement j’ai beau les avoir entendus maintes fois, je suis littéralement aimantée par leur musique. Il faut dire que Shaun, lorsqu’il chante, a une voix bien vibrante, au timbre assez féminin, totalement au service de son expression musicale de précision. La voix pose les notes avec poésie de la même façon qu’il tricote ses cordes habilement. Le tout n’est que douceur, ordre et harmonie. Vous trouverez une page plus détaillée sur Shaun Ferguson en accueil de ce blog. Un peu de son ici, régalez-vous.

Ensuite nous avons écouté avec attention le sympathique Thomé Young de la Baie des Chaleurs, Pointe Verte exactement. Le chanteur au look de baroudeur explique son pays, de son vrai nom Pascal Lejeune, il raconte volontiers le contexte de ses chansons, le bootlegger dans Grand Flanc Mou, la crise de paix dans Nager sul’dos… La voix est pleine et forte, les mélodies sont jolies. Dans la gang de Thomé, il y a une belle guitariste blonde, c’est Katrin Noël [aussi dans les Hay Babies], le batteur Maxence Cormier [des Hôtesses d’Hilaire] est subtil, quant au guitariste c’est Mico Roy [des Hôtesses aussi]. Justement, le rock Boule Boule a été écrit avec les Hôtesses d’Hilaire avec qui ils ont en commun la gérante, Carole Chouinard présente à Albi. Allez venez bouger sur ce morceau!

Ensuite, pour sa première vitrine en France, Cédric Viéno s’est présenté lui-même comme un électron libre dans la musique. Venant de Robertville au Nouveau Brunswick, l’homme semble bien dans sa peau de chanteur en dehors des modes. Cheveux tout fous et barbe fournie, l’on ne voit guère son visage, sa voix est grave et écorchée, comme lui, sans doute. Il fait un folk-blues lui aussi avec des préoccupations humaines bien appréciables. « Marie-Catherine » est un blues très lent, très romantique, tandis que sa pièce de fin a fait sonner la batterie bien des décibels au dessus de la moyenne.

Dernier groupe d’Acadie, Spoutnique est un groupe géré par Carole Chouinard également. Ce sont six garçons d’âge et de looks différents, complètement décalés. Ils chantent (in english of course) sur une musique  disco digne des années 70, avec des claviers d’époque, notamment un vieux Wurlitzer qui doit leur donner du souci dans les transports vu sa taille et son poids. Cela m’a fait très drôle d’entendre cette musique là en milieu de journée et en plein air, au Café Plùm.

Sinon ils ont joué sur la grande scène d’Expérience Acadie à 23h30. Leur son vintage remis au goût du jour recherche les effets planants qui se propagent mieux en fin de soirée. En journée le côté boum-boum électro empêche un peu de réfléchir, mais c’est l’effet désiré. C’est bien construit et pas mal envoyé du tout.

En résumé les Acadiens ne nous ont pas déçus cette année, loin de là, ils font une musique qui nous fait rêver car elle est d’excellente qualité et si différente de ce que font les musiciens en Europe. Ils nous rappellent nos propres racines et ne semblent pas impressionnés par les diktats des labels. Surtout ils savent chanter et jouer. On dirait qu’il font cela avec un naturel évident.

Annie Claire 11.07.2018