Erwan Pinard ©annie claire
Erwan Pinard, c’est du brutal (comme aurait dit Blier dans les Tontons Flingueurs). C’est de la poésie catapultée, balancée par une voix rêche et nappée dans une musique rock en colère et en couleurs. Voilà le contexte, détaillons le plaisir de l’écoute. Ce troisième album plonge dans un état haletant, on se demande s’il fait exploser sa révolte ou s’il veut nous inclure dans sa tempête. Les deux car on devient vite accro. D’autant qu’il y a des plages de répit où la batterie repose ses baguettes, laissant le chanteur crooner à son aise. C’est efficace et beau à la fois, c’est bizarre comme ça me fait penser à un chanteur, Stéphane Balmino époque Khaban, ou encore à Loïc Lantoine, ces deux artistes écorchés et inspirés qui chantent aussi leur désenchantement amoureux.
Car c’est bien le thème de l’album d’Erwan, l’amertume de l’état post-idyllique. Heureusement, un peu d’autodérision l’empêche de passer totalement dans le pathétique. Mais on est passé tout près, et la musique nous y aide, insolente trompette, obsédante batterie, tragique violoncelle. Quant aux mots, ils tricotent les états d’âme avec habileté, présentant un jacquard de poésie sans fond. « Rappelle-toi quand tu m’as dit / Préviens-moi si tu m’oublies ». Dans les textes, on entend une analyse des comportements amoureux, un flash-back sans concession sur les manquements de chacun. Qu’as-tu été capable de faire par amour ? On entend aussi un âpre critique sociale qui souligne l’absurdité du monde politique.
Voilà un chanteur qui ne passe pas inaperçu. Je l’ai vu plusieurs fois sur scène à Paris et à Nantes. C’est un lyonnais qui vient de faire une belle prestation au Festival de Barjac (la grand’messe de la chanson à texte). les festivals le programment volontiers. A part ça comment ça va ? Tranquille, l’homme est prof de musique. Il fait sa musique de scène avec ses potes, Jérôme et Lionel Aubernon. Tranquille par habitude, intranquille par dérangement. C’est notre lot à nous aussi, mais lui le chante si fort, si bien.
Procurez-vous cet album, il énerve et il calme, en beauté.
Annie Claire 03.08.2018