Gisèle Halimi, l’adieu de ses admirateurs et proches au Père-Lachaise

 

Photo ©annie claire

 

Ce jeudi 6 Août 2020, des centaines de personnes se sont rendues à la Chapelle néo-byzantine du Crématorium du Père-Lachaise pour rendre un dernier hommage à Gisèle Halimi décédée le 28 juillet à l’âge de 93 ans. Admiratrice de longue date de l’oeuvre de cette avocate active dans la défense des droits des femmes, j’étais présente parmi la foule et j’ai pu converser avec des femmes, certaines portant des écriteaux ou des banderoles de remerciement, également avec des journalistes de presse et de télévision.

 

photo ©annie claire

J’étais en conversation avec une femme de 88 ans, venue de Villemonble depuis l’ouverture du cimetière, assise sur son pliant avec un cadre d’une peinture du visage de Gisèle Halimi devant sa poitrine portant l’inscription « Merci ». Cette femme m’a raconté qu’elle devait une fière chandelle à Gisèle Halimi. Jeune, elle avait subi quatre grossesses en quatre ans, puis s’était résolue à se faire avorter plusieurs fois par la suite, son mari dégageant toute responsabilité. Sa vie était devenue un enfer, car les femmes de l’époque n’avaient pas le droit de quitter le domicile conjugal, et l’avortement était un délit. Elle a évoqué les curetages sans anesthésie à l’hôpital et les sermons culpabilisants des médecins. De plus, elle n’avait pas de moyens de subsistance. Ayant fait appel à Gisèle Halimi, car elle avait entendu parler de son action dans la défense des droits des femmes, celle-ci a accepté de la rencontrer, et l’a mise entre les mains d’un collègue avocat qui lui a permis de s’échapper de l’emprise de ce mari. Elle a pu bénéficier d’un petit logement pour elle et ses quatre enfants, elle s’est mise à travailler jour et nuit, elle faisait des travaux de couture à domicile par exemple pour élever ses enfants. Cette femme a passé de rudes moments à cette époque de son existence, elle a ensuite assisté procès de Bobigny défendu par Gisèle Halimi, et suivi toutes ses interventions lors des procès suivants, notamment celui de l’affaire Tonglet-Castellano (1974),  les jeunes femmes belges campeuses à Cassis dont nous avons visionné à nouveau le film Le Viol qui a été tourné d’après ce procès, dans la semaine à la télévision. Très forte devant l’adversité, cette femme a élevé ses enfants avec dignité, leur inculquant des valeurs morales fortes d’indépendance et de respect. Ils ont tous réussi me confiait-elle, et elle se déclarait très fière d’eux. Cette femme était sereine, lorsque nous nous sommes quittées, elle m’a dit « et maintenant, nous allons continuer » sous-entendu, à nous battre.

Photo Annie Claire

C’était un témoignage très fort qui dégageait beaucoup de souffrance maîtrisée et que beaucoup de militantes féministes actuelles devraient connaître, car c’était la vie des femmes de son époque, totalement sous l’emprise de maris dominateurs, quand elle parle du sien, cette femme le décrit comme « ce que l’on appelle maintenant un pervers-narcissique ». Un jeune journaliste de Libération, Johan Maviert est venu lui parler, il était très touché par son témoignage. J’ai discuté également avec un journaliste de télévision, nous parlions de la place des luttes féminines dans la société actuelle. Il me disait, ce que nous savons toutes, que beaucoup de femmes dans ces métiers d’exposition convoités, sont parfois complaisantes vis à vis des sollicitations à la promotion-canapé.

Pendant que nous devisions sur le parterre devant la Chapelle, les places assises à l’intérieur étant toutes occupées, nous avons entendu les notes de Bella Ciao, reprises par les voix des participants à l’intérieur et dehors sous le soleil également, puis de L’Hymne des Femmes. C’est après que l’on entendit tout le monde crier Merci, merci, merci… et une rumeur a commencé à monter « Pan-théon, Panthéon, Panthéon ». Sur la photo que j’ai mise en exergue de cet article, l’on voit à l’entrée de la Chapelle un jeune militant qui a tenu à bout de bras, pendant plusieurs heures sans jamais le poser, un panneau de bois sur lequel on lisait MERCI GISELE HALIMI.

Beaucoup de ferveur donc dans l’assistance, des avocats en robe, des personnes venues spécialement de province avec des bagages, pour ce qui est des officiels et des discours prononcés, je renvoie ceux que cela intéresse au communiqué de l’AFP que je reproduis plus bas.

Annie Claire 7.08.2020

Communiqué :

Obsèques de Gisèle Halimi à Paris au son de « Bella Ciao » et de « l’Hymne des femmes »

Les obsèques de l’avocate et figure féministe Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet à l’âge de 93 ans, ont été célébrées jeudi à Paris en présence de plusieurs centaines de personnes, au son notamment de « Bella Ciao » et de « l’Hymne des femmes », a constaté un journaliste de l’AFP.

Un grand portrait souriant de la défunte avait été exposé devant son cercueil, lors de cette cérémonie laïque organisé au crématorium du Père-Lachaise, où ses cendres reposeront au côté de celles de son mari Claude Faux.

Gisèle Halimi « fait partie de ces personnes assez rares qui nous réveillent », a déclaré le philosophe et écrivain Regis Debray en hommage à l’avocate disparue.

Il a confié avoir « compris grâce à elle » que le combat pour l’émancipation des femmes et celui pour l’émancipation des peuples ne faisaient qu’un. « Elle mérite de rester parmi nous comme un défi à toutes les convenances, les défis et les paresses », a-t-il estimé.

Outre deux de ses trois fils, Serge Halimi et Emmanuel Faux, plusieurs personnalités se sont succédé pour évoquer la mémoire de cette inlassable combattante pour les droits des femmes, avocate engagée, ancienne députée et autrice.

Parmi elles, le bâtonnier de Paris Olivier Cousi, l’ambassadeur d’Algérie en France Salah Lebdioui, des militantes de l’association « Choisir la cause des femmes » – qu’elle a fondée avec Simone de Beauvoir en 1971 – ou encore la journaliste du Monde Annick Cojean, qui a co-écrit son dernier livre, « Une farouche liberté », attendu le 19 août dans les librairies.

La petite-fille de Djamila Boupacha – cette militante du FLN algérien que Gisèle Halimi avait défendue en 1960 en rendant publics les tortures et le viol dont elle avait été victime aux mains des militaires français – a lu un message émouvant de sa grand-mère : « Tu n’as pas seulement été mon avocate, mais une grande soeur ».

Le président tunisien Kais Saied a transmis un message de sympathie, dans lequel il a évoqué notamment le lien « ombilical » de Gisèle Halimi avec son pays natal. Une place sera baptisée de son nom à Tunis ou à la Goulette, banlieue cosmopolite de la capitale tunisienne où elle a grandi, a précisé une diplomate tunisienne, présente à la cérémonie.

Entré dans le crématorium au son de « Que serais-je sans toi » de Jean Ferrat et Aragon, le cercueil en est sorti sous les acclamations des proches et des anonymes, qui ont crié : « Merci » et : « Gisèle Halimi au Panthéon ! ».

« Ce serait une très très bonne idée, elle y a tout à fait sa place, par toutes les luttes qu’elle a menées », a commenté devant les journalistes son amie Martine Portnoé, qui a milité à son côté depuis 1972.

06/08/2020 21:07:14 – Paris (AFP)

 

Une réponse à “Gisèle Halimi, l’adieu de ses admirateurs et proches au Père-Lachaise”

  1. Merci beaucoup pour ce témoignage émouvant. Un très bel hommage à Gisèle Halimi. Une très grande dame à qui nous devons tant.
    MERCI MERCI MERCI
    Fruban

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