J’ai souvent vu Govrache en concert, dans différentes salles en France, jamais je ne l’avais vu dans un lieu aussi majestueux que La Cigale. L’artiste y était à son aise, comme dans de toutes petites salles de bar ou de spectacles. Je dirais même qu’il était d’autant plus naturel qu’il était porté par une grande foule de fans, d’admirateurs, qui ont profité d’être dans cette salle pour manifester leur admiration au chanteur, au slameur, à l’artiste, en applaudissant longuement. C’était un bonheur d’être là, on se sentait de tout coeur avec lui, ses musiciens, et les autres artistes invités par lui. Seulement, si la salle était grande, les places étaient chères, donc éloignées de la scène pour ce qui concerne les places réservées aux pros. Pas de souci, l’acoustique était bien maîtrisée. Ca m’a donc fait tout drôle de voir David Hébert tout petit point mobile au lointain, au milieu de ses musiciens. Je dis mobile, parce que le bougre bouge. Il bouge beaucoup même, il ponctue !!
Nous avions pris l’habitude de voir Govrache avec sa gapette large, ou encore avec un chapeau, mais les temps changent, et avec la venue du slam, c’est un autre look qui s’est imposé. David est coiffé de sa seule chevelure gansée à l’arrière de la tête, qui donnent à ses cheveux des airs d’envolées, comme de petites flèches piquées. Je l’ai dit, l’artiste bouge beaucoup en scène, et, de loin j’arrivais à le suivre avec son pantalon dans les tons de jaune, autre nouveauté, passée l’ère des bleus de travail, autrement dit des jeans en scène. Cigale oblige, le voici rhabillé, mais portant quand même un sweat à capuche, ouf, nous sommes rassurés, ils ne nous l’ont pas changé complètement. Maintenant il faut parler de la création lumières pour ce spectacle, c’est de toute beauté. Les plans changent souvent, les sources lumineuses arrivent de partout avec beaucoup de finesse pour suivre les tableaux que sont les histoires de vie du chanteur. Comme j’étais en fond de salle au balcon, j’en ai bien profité, j’avais une vue d’ensemble des jets lumineux colorés.
C’est qu’il fait de plus en plus de slams, le poète. Ses chansons étaient déjà très slams, dorénavant elle le sont en majeure partie. J’avais parlé l’été dernier d’une magnifique prestation que Govrache fit à Pause Guitare, seul, sans instrument, sans musicien, armé de sa seule chantante poésie. Il est possible de lire cela ici. Depuis, Govrache, qui avait bien impressionné son public déjà, a amélioré sa puissance de conviction, avec une gestuelle forte, très efficace. Il envoie des signes de connivence à ses fans, qui sont prompts à répondre, en leur lançant des mots d’une « rappeuse marseillaise » Keny Arkana : Ils ont le chiffre… On a le nombre !! répond la salle.
David joue avec ses musiciens de toujours, Antoine est au piano, Adrien à la contrebasse. Il y a aussi un beat-maker, Guillaume et un corniste, Manu sur un titre. Bel orchestre pour une si belle scène, scène que sont venus fouler en invités d’honneur Gauvain Sers et Martial Bort, son guitariste historique aussi. C’est Gauvain qui a donné un coup d’index sur le bouton de l’ascenseur de Govrache, faisant symboliquement ce que Renaud avait fait pour sa notoriété à lui. Ce fut un moment très émouvant du concert, quand ils ont chanté ensemble. Gauvain est un pote à nous également, nous sommes souvent allés dans les toutes petites salles l’écouter chanter à ses débuts. Lui, comme Govrache ont de belles facilités d’écriture, ce sont des peintres du réel, ils mettent de la poésie sur les images de notre société, sur des circonstances pas toujours roses de notre humanité. Ce sont des poètes engagés et enragés, des Léo Ferré des temps actuels. Tout comme Léo Ferré, Govrache voue un culte à la femme, il a un fort beau texte sur sa compagne qu’il dit être « la sage-femme de mes sourires« . Et puis, maintenant plutôt comme Jamait, pour le coup, il a un triptyque sur l’ivresse, un thème récurrent qui fonctionne bien en spectacle et nous tient en haleine. Un titre au début, un autre au milieu et la conclusion à la fin, comme ça nous ne sommes pas en panne d’essence. La panne d’essentiel est par ailleurs un titre-phare du répertoire de Govrache qui résume bien son engagement anti-consumériste. Les textes sont forts et nous avons affaire à ce que l’on appelait jadis un chanteur à textes, et maintenant un slameur tout court.
Maintenant, Govrache se prépare pour une tournée de quarante dates, ce n’est pas rien. Il sera également dans la salle de l’Adami au Festival d’Avignon, l’Arrache-Coeur. Ce troubadour des urbanités regrette t-il l’enseignement ? C’est ce que je m’apprête à lui demander dès que je pourrai à nouveau l’approcher. En tout cas il nous a donné bien du bonheur ce samedi à La Cigale.
Annie Claire 18.03.2019