Sapho for ever

SAPHO  FOR  EVER

Sapho au Festival Aubercail ©annie claire 18.05.2017

Sapho au Festival Aubercail ©annie claire 18.05.2017

Sapho s’est produite le 18 mai 2017 à l’Embarcadère d’Aubervilliers au sein du Festival Aubercail. La voici sur scène avec sa famille musicale. Karim Rachedi à la basse, Ingrid Ficheux à la guitare classique, Safwan Kenani au délicieux violon, Philippe Langlois aux claviers et Thierry Waziniak à la batterie.

Photo ©annie claire 18.05.2017

Photo ©annie claire 18.05.2017

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Sapho a donné des titres de ses divers répertoires musicaux, et notamment ceux de son dernier album Velours sous la terre qui est un opus thématique, puisque les morceaux reposent sur des musiques classiques ou contemporaines. L’on peut citer Bach, Mozart, Chopin, Satie… C’est un travail d’équipe qui a été réalisé en collaboration avec Klifa Rachedi dont je parle plus loin, Sapho et  Nadia Gerber.

CD Velours sous la Terre

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Imprévisible, Sapho !! Et c’est aussi pour ça que nous l’ aimons. Chaque concert est différent apportant son lot de surprises. Toujours des déplacements rapides, des voiles blancs, des guitares, la voix qui se promène du rock à la poésie arabo-andalouse, une féminité qui lui appartient. Le concert est un enchantement, plein de surprises, comme celle de chanter Magician de Lou Reed, ce qui a provoqué des applaudissements très nourris dans la salle. Et des rappels, sans compter, en toute générosité, voilà ce qui caractérise une chanteuse, une artiste qui ne vieillit décidément pas.

Sapho Aubercail ©annie claire 18.05.2017

Sapho Aubercail ©annie claire 18.05.2017

Cela fait quelques mois disparaissait le co-réalisateur de son dernier disque, son ami, son compagnon en chanson, celui qui l’accompagnait dans toutes ses dates de tournées, Klifa Rachedi.

Très affectée par son décès, ainsi que tous les musiciens de l’équipe, Sapho a donné son concert habillée de noir, ainsi que tous les musiciens, ce 18 mai 2017, elle qui nous a habitués à une tenue blanche sur scène.

Sapho ©annie claire 18.05.2017

Sapho ©annie claire 18.05.2017

Sapho ©annie claire 18.05.2017

Sapho ©annie claire 18.05.2017

Sapho l’infatigable muse d’elle-même

Article que j’ai écrit pour le magazine VINYL et qui est paru dans le numéro 102 Janvier-Février 2015

Sapho a toujours intrigué le public. Son nom est étrange, il interroge, il fait sourire. Sa voix, sa musique sont inattendues. Tout un chacun l’a toujours suivie, de plus ou moins près, à l’affût de ses parutions littéraires, de ses sorties de disques et autres apparitions sur les scènes théâtrales ou télévisuelles. C’est mon cas, et quand j’ai appris qu’elle figurait dans la programmation du festival de Concèze en Août 2014, j’en ai été ravie et alléchée. Sapho s’y est produite aux côtés de son frère, un chanteur connu également dans le spectacle sous le nom de «Prince Roro».

Pour ce travail d’écriture, j’ai beaucoup aimé aller à la rencontre de cette artiste au talent si complet et à la générosité devenue légendaire. L’entretien réalisé avec elle à son domicile était d’une grande douceur et je me suis régalée à évoquer avec elle quelques épisodes de sa riche vie de chanteuse, de musicienne et de romancière. Sapho est une grande travailleuse de la nuit, sans mauvais jeu de mot. Il vaut mieux la rencontrer pour le tea-time, au plus tôt. D’autant qu’elle met en ce moment une dernière main aux épreuves de son épais roman à paraître prochainement chez Castor Astral, «La chambre turque».

Photo D.R. Sapho

Photo D.R. Sapho

Sapho au Petit Conservatoire de Mireille: un gag signé Hervé Cristiani

Etant amie dans sa jeunesse avec le chanteur Hervé Cristiani, (hélas disparu en 2014), Sapho s’est prêtée par son intermédiaire à un petit jeu qui a décidé d’une partie de son orientation vers la chanson. Elle s’est fait passer auprès de Mireille pour une jeune québécoise au fort accent, une pauvre jeune fille a qui son père interdisait de chanter. Cela a beaucoup amusé Mireille, qui l’a fait passer à la télévision. Elle chantait alors (mal dit-elle) la joyeuse chanson de Gilles Vignaux Tout le monde est malheureux… M’est avis que ce ne devait pas être si mauvais que cela!

Les expériences américaines autour de 1980

Sapho, qui vient de réaliser son premier disque, part à New-York en tant que journaliste pour le journal Actuel. Sous le prétexte d’étudier les groupes de rock underground, elle se fait connaître là-bas comme chanteuse, et parvient même à faire de la musique avec des musiciens locaux réputés. Elle devient une sorte d’égérie punk, elle se coiffe comme les punks et se prête à leur jeu. Maman, j’aime les voyous, ça lui colle à la peau. Toutefois, si elle adhère partiellement à cette philosophie, qui est aussi une poésie de l’horreur, elle refuse dans le fond la mouvance pré-gothique du «no-future» qui entraînera bien des adeptes vers l’autodestruction. De fait, sa colère à elle est une colère joyeuse et les seules poudres dont elle ait usé, dit-elle en s’amusant, sont les poudres de riz. Elle apprécie des groupes comme Richard Hell & the Voidoids, ou encore Television.

Sapho raconte alors que quand on lui demandait pourquoi elle avait les cheveux dressés sur la tête, elle répondait: c’est parce que je suis venue à mobylette. Sapho en fait était attirée par la modernité de ces courants de musique. Et comme elle aime mélanger les époques et les contrées géographiques, elle s’est tournée vers d’autres horizons et de nouvelles sources de création par la suite.

Photo D.R. Sapho

Photo D.R. Sapho

Une guerrière au service de la paix

Dévoilons un peu Sapho sans lui enlever tout à fait son voile. Dans son oeuvre , qui est très vaste (pas moins de dix-huit albums-audio, douze livres (romans, poésie et dessins), l’on sent un courant d’inspiration arabo-andalou aussi bien dans la musique que dans les textes. Il s’agit selon l’artiste d’une réminiscence de ses origines et de ses influences, plus que d’une juxtaposition de genres. Sapho est née et a vécu à Marrakech, elle est à la fois juive et marocaine. Elle a fait des études supérieures à Paris. Son goût pour le vaste monde l’a entraînée ensuite à voyager toujours plus loin, et à développer une world-culture, bien avant que l’on annonce cette mode dans les courants de musique. En fait, elle se sent partout chez elle, et la notion d’exil lui tient à cœur, elle pense qu’on est toujours l’étranger de quelqu’un. Elle a chanté au Japon, au Sénégal, en Guinée, au Moyen-Orient où elle s’est proposée de rapprocher avec la musique les tensions locales. Son engagement est sans frontières, elle oeuvre partout pour les droits de l’homme. En fait elle défend la liberté, que ce soit la liberté d’expression, ou la liberté des femmes, son combat est celui du respect de la dignité de chacun, avec un souci d’élévation intellectuelle.

Sapho, artiste avant-gardiste

Sapho, l’écrivaine, la musicienne, aime imposer une teinture de hardiesse novatrice. «Il ne faut pas que ça devienne banal», chez elle, rien de banal en effet, chacune de ses vagues est nouvelle. Ses coiffures et habillements sont excentriques et anticonformistes. Sur scène elle apparaît vêtue/dévêtue à la fois, si les robes sont longues, les épaules sont nues. Tout est contraste, provocation assumée proche de l’état délirant.
Au fil de ses études et déplacements, elle a appris plusieurs langues, ce qui ensuite, en véritable polyglotte a facilité son imprégnation culturelle. On se souvient qu’en 2005 dans son album sur Léo Ferré, elle chante Avec le temps en arabe. Elle aime les langues et s’applique à les mélanger, parfois à l’intérieur d’une chanson. Elle a réalisé aussi plusieurs scènes autour de la très grande chanteuse en langue arabe Oum Kalsoum. Elle se nomme elle-même «La chanteuse du monde» et crée un spectacle «La traversée du désir» en arabe, anglais et français. Ensuite pour le «Jardin Andalou» elle utilise les sonorités orientales très mêlées au rock pur et dur de ses débuts, qui était psychédélique, quasiment expérimental.
Dans son dernier album également Velours sous la terre (2011) elle nous régale de ce mixt de styles extrêmement élaboré. Des compositions classiques se superposent à des envolées de violon oriental et de guitares électriques, parmi des sons électro tour à tour doux ou rageurs. L’ensemble des dix titres est magnifique, il en ressort une atmosphère chaude, veloutée et enivrante, tout comme le spectacle de présentation auquel il m’a été donné d’assister en novembre dernier au New Morning. Salle comble: Sapho a un public très fidèle et fervent. Sa voix est toujours magnifique, sans faille, voluptueuse à l’envi. Chaque morceau est une véritable performance vocale, comme à son habitude.

Sapho joue de la guitare électrique et fait beaucoup d’effets d’ondoiements de voiles crémeux, c’est un spectacle assez grandiose, très proche du théâtre. Toujours en mouvement, le corps de la chanteuse ondule, tout comme sa voix qui monte et descend, c’est un voyage magique auquel elle invite le public. D’ailleurs, elle convie des spectateurs à venir danser sur la scène avec elle. C’est assez inattendu dans nos prestigieuses salles parisiennes. «J’adore la scène!» dit-elle avec gourmandise, Sapho aime cette exposition impitoyable qui exige la perfection et met l’artiste dans le plus grand des dangers. Pour ce qui est des salles de la capitale, Sapho les connaît pratiquement toutes, de l’Olympia à la Cigale, en passant par le Réservoir, le New Morning ou le Bataclan.

Sapho invite le public a danser sur sa scème au Festival Aubercail ©annie claire 18.05.2017

Sapho invite le public a danser sur sa scème au Festival Aubercail ©annie claire 18.05.2017

Le travail de Sapho: honnêteté , passion et constance

Ce sont ses maîtres-mots, Sapho pense que le travail intense est nécessaire, mais que sur scène il faut laisser parler la passion. Il faut chercher à donner le meilleur de soi-même, sans retenue. Tout comme la poétesse grecque, Sapho prône passion, beauté et culture de l’esprit. Le nom même de Sapho est synonyme d’énigme et d’émerveillement. La chanteuse le porte bien, elle qui ne fait qu’intriguer et séduire. Son public est très attaché à cette générosité et à cette authenticité de l’artiste qui n’a jamais failli à ses valeurs depuis le début de sa carrière, son public lui en est très reconnaissant, ses fins de spectacles en sont éloquentes. Sapho est là, elle reçoit les gens qui sont venus lui parler, elle ne compte pas son temps, elle est très présente à son public à sa sortie de scène.

Sapho Aubercail ©annie claire 18.05.2017

Sapho Aubercail ©annie claire 18.05.2017

Sapho et le monde du spectacle

J’ai été très agréablement surprise d’entendre Sapho parler des poètes, des musiciens et chanteurs que nous avons évoqués lors de l’entretien, tant son regard est doux et bienveillant à l’égard de chacun. Sapho a tenu à évoquer des artistes qui ont apporté quelque chose de nouveau par leur écriture originale. Ainsi dans le désordre, elle m’a parlé de Barbara qu’elle admire beaucoup, de Léonard Cohen au chant poétique si dense (dont elle a elle-même déposé à la SACEM une belle traduction du titre The Stranger song, en 1999), Gainsbourg le grand créateur, éternellement précurseur et lanceur de modes en musique et en chanson. En effet, tout comme elle le fait elle-même, elle donne beaucoup d’importance à la création (textes et musiques). Dans chaque artiste que Sapho a évoqué, il est question de profondeur et de sensibilité.

Sapho Aubercail ©annie claire 18.05.2017

Sapho Aubercail ©annie claire 18.05.2017

A la ville, même si elle porte un nom différent pour l’état civil, Sapho est Sapho. C’est notre Nina Hagen française, notre Janis Joplin à nous. Comme ces chanteuses, sa musique est une «fenêtre sur son âme». Son univers peut sembler sombre (La route est noire au fond des mots), mais l’éclairage se perçoit peu à peu. L’ambiance autour d’elle est raffinée, peaufinée comme son visage maquillé de clair. L’artiste est extravagante et simple à la fois, douce et rétive, féline et généreuse, toujours forte. Le rire est l’apanage de son discours, il en est l’ornement le plus subtil. Même si elle est consciente de sa position, Sapho ne se prend pas au sérieux. Artiste complète, comme dit le langage courant, Sapho est une très Grande Dame, ardente, incandescente, dont le temps n’altère ni la démesure, ni la féminité, ni le talent.
Et comme le chanteuse rejoint souvent la poétesse, citons la muse: «Plus blanche que le lait / plus enivrante que la lyre / plus claire que la source / plus superbe que la cavale / plus souple qu’une étoffe / plus épanouie que la rose / plus vive que l’eau vive / plus précieuse que l’orichalque / plus or que l’or lui-même».

Photoo D.R. Sapho

Photoo D.R. Sapho

Merci Sapho.

Annie Claire 20.05.2017

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