Bonjour Tristesse au Limonaire

Une page se tourne dans l’histoire du Limonaire.

Noëlle Tartier, sa directrice et gérante s’est éteinte aujourd’hui, jour de Pâques, dimanche 16 Avril 2017.

Depuis la création du premier Limonaire rue de Charenton, j’ai souventes fois assisté à des concerts dans cet établissement. C’est Daniel Tartier qui l’animait avec sa soeur Noëlle. Daniel s’occupait de la cuisine et de la programmation artistique. On disait de lui qu’il était à la fois philosophe, peintre et cuisinier. Il est décédé prématurément en 1994 à l’âge de 51 ans.

Ancien limonaire de la rue de Charenton

Ancien limonaire de la rue de Charenton

J’y ai fait mult reportages photos, et rédigé des centaines de chroniques de spectacle. Je connaissais donc Noëlle depuis les années 80. A l’époque j’y passais des vendredis et samedis soirs avec ma bande de copains, nous ne manquions aucun concert. Notre bande tournait autour de Machon et son orgue de barbarie. Certains d’entre nous y chantaient , ou bien y donnaient des poèmes. Ensuite nous sommes allés chez Driss, le compagnon de Noëlle, qui avait ouvert « Les uns et les autres« , rue Chevreul dans le 11ème, un cabaret littéraire et musical.

Nous allions également à l’Ogre de Barbarie, rue Claude Thillier, dans le restaurant de Philippe Duval.

C’est Philippe Duval qui avait en fait fondé le premier Limonaire rue de Charenton en 1983, avant de le céder à Noëlle, son frère et trois autres amis en 1987.

 

Le Limonaire de la Cité Bergère

Depuis son installation Cité Bergère, j’ai pris l’habitude de venir même en semaine et d’assister à toutes sortes de réunions, concerts et repas bien sûr. Les soirées-surprises de chaque 18 du mois étaient légendaires, nous cherchions des indices pour savoir quels artistes allaient être programmés. En principe personne ne le savait à l’avance, il y en avait deux. Les goguettes du lundi soir, les Goguettes des z’énervés, les Rendez-vous du dimanche, les Coups de coeur du mardi au Limonaire, tous ces événements ont ponctué notre vie artistique et musicale. Quand un ami de province et de l’étranger nous rendait visite, on l’emmenait inévitablement au Limonaire. C’était bien plus cordial et tout aussi décoré que la brasserie voisine des grands boulevards Le Bouillon Chartier. Le décor du Limonaire est de cette époque, fin 19ème, avec des boiseries et des miroirs biseautés ouvragés.

Il s’en est construit des relations au fil des années, avec les figures du Limonaire, que ce soit les personnes qui y travaillent ou celles qui fréquentent le bar, le restaurant et les concerts. Dans le Limonaire de la Cité Bergère, Anne Sylvestre a sa place réservée, avec une plaque en cuivre. Elle y vient très souvent avec ses amies.

Francesca Solleville y a beaucoup chanté elle aussi, dans cette génération d’artistes, Marie-Thérèse Orain bien sûr, Gérard Pierron, d’autres plus jeunes dont certains ne sont plus parmi nous comme Allain Leprest ou Michèle Guigon. On ne s’arrêterait pas de les citer, les Jehan, Lemonnier, Jean Dubois, Paccoud, Susy Firth, Gérard Morel, David Lafore, Bastien Lucas, Nicolas Jules, Sarah Olivier, Xavier Lacouture, Karina Duhamel, provinciaux ou parisiens.

Anne Sylvestre ©annie claire

 

Deux habituées du Limonaire, Flow et Francesca Solleville ©annie claire 16.04.2017

 

Dans la jeune génération, beaucoup ont fait leurs premiers pas sur la scène là, au Limonaire, Noëlle a cru en eux et a su leur donner confiance, certains lui en portent une belle reconnaissance. Je pense à Melissmell, Lily Luca, dans le désordre et sans chronologie, Flow, Mèche ou Missonne.

Le sourire de Lolo ©annie claire

Et puis citons toute la bande des artistes garçons et filles qui ont servi bénévolement au Limonaire pendant des années, Jessica Dalle, Armelle Dumoulin, Jimmy, Cécile Sarafis… et dont les sourires faisaient partie du plaisir de la soirée.

 

De par la proximité avec les hôtels de luxe de la Cité Bergère, Le Limonaire avait des soucis de voisinage. Son activité très dense d’accueil de concerts occasionnait une forte fréquentation, surtout aux heures avancées de la soirée et de la nuit.Ils s’en suivaient des nuisances sonores que le propriétaire des locaux a décidé de restreindre, en interdisant les musiques, amplifiées en particulier. Ceci avait amené Noëlle à se résoudre à vendre, quitte à trouver un nouvel emplacement moins difficile.

 

 

 

Photo de Olivier Coiffard
Noëlle Tartier et Gérard Pierron

Marquise classée art nouveau de l’Hotel Corona Cité Bergère ©annie claire 16.04.2017

Le sort ne lui en a pas laissé le temps. Très affaiblie par la maladie, Noëlle avait beaucoup dépéri ces mois derniers, elle s’est éteinte dans ses locaux… au Limonaire même, et cela est significatif et triste à la fois. Il se trouve que dans sa vie personnelle, la date du Pâques était fatidique. Son frère était décédé également un jour de Pâques, il y eu d’autres événements peu heureux ce jour-là.

Noelle D.R.

Tous les artistes et le public garderont d’elle et de ce lieu un souvenir très fort, celui d’une richesse artistique et musicale distillée sur plusieurs décennies. Au revoir Noëlle Tartier !!

Lors des obsèques de Noëlle au Père-Lachaise, le samedi 22 Avril, une ironie du sort a voulu que le cercueil ne soit pas présent dans la Salle Mauméjean du Crématorium. Il y avait beaucoup, beaucoup de monde, la cérémonie a été très sobre. De très beaux textes ont été lus en hommage à Noëlle, lus par Rémo Gary, Christian Camerlynck, Victoire de Grandmaison, Jean Dubois, Gérard Pierron… Les mots prononcés étaient très émouvants, ceux de Christian Paccoud en particulier, qui a donné de Noëlle l’image d »une « Bergère des ego perdus ». Quant à Gérard Pierron, il a parlé d’une « Louise Michel de la chanson ». Christian Camerlynck quant à lui a vu un signe fort du fait que Noëlle ait ouvert le Limonaire ce mémorable jeudi 13 Avril, et qu’elle soit tombée, inanimée, là, dans son lieu, sans que ce soit elle qui le referme.

Après cette cérémonie, le public était convié à partager une soupe au Limonaire, invité par les bénévoles qui avaient préparé un lieu particulièrement convivial, avec des pétales de roses au sol, beaucoup de fleurs, et le limonaire qui avait quitté sa vitrine pour se retrouver au milieu, à l’honneur. Beaucoup de monde dans la Cité Bergère, beaucoup d’artistes, beaucoup d’amis, nouveaux et anciens, plusieurs générations d’aficionados, connus ou  moins connus. Le lieu devait fermer définitivement à 18h30, mais très tard, vers minuit, nous étions toujours là, à partager un morceau de fromage, du pain, et écouter quelques chanteurs du Limonaire, comme Jean Dubois et Armelle Dumoulin. Après la dernière chanson, nous nous sommes mis à applaudir, émus, et ces applaudissements se sont accentués, ils ont pris la forme d’une sorte de lame de fond, ils ont duré de très longues minutes non quantifiables tellement l’émotion était à son comble. Et au bout d’un temps très long, la vague s’est arrêtée net, sans que nous nous soyons donné le mot. La partition était terminée. Nous n’avons pas retenu nos larmes.

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Une page se tourne, Le Limonaire, vendu, rouvrira certainement, mais pas sous ce nom, ni sous la forme d’un Bistrot à Vins et à Chansons. Nous resterons nostalgiques de ces trente années de musique et d’amitié.

 

 

Annie Claire 16.04.2017 et 24.04.2017

 

8 réponses à “Bonjour Tristesse au Limonaire”

  1. Je n ai pas été un proche de Noĕlle par contre je voulais d elle un sourire un mot qd elle s approchait de la table ou je dinais avec un ami qui m avait fait connaître le Limonaire . J aurais aimé monter sur cette scène mythique. J avoue ressentir une certaine tristesse. Il faut des personnes discrètes comme elles pour faire vivre le monde artistique. RIP Angel

  2. Noëlle, es-tu partie sur l’autre rive ? Alors, si elle existe, nous nous reverrons encore. Merci pour ce que tu m’as apporté. Je t’embrasse très fort.

  3. Ah lala quelle histoire moi j’ai beaucoup chanté aux deux limonaires j’aimais et j’aime toujours profondément Daniel Tartier et Noëlle l’ambiance anar les coup de main de gueule de ces gens de caractère les fous rires la cuisine les amis le silence respectueux serrés au bar durant les spectacles le disque entegistré à plusieurs à l’époque la fantaisie les bouquets toujours présents la gentillesse la délicatesse et l’élégance de ces deux la il faut les fêter à tue tête nous tous et régulièrement qu’ils continuent de nous écouter gentillement de la ou ils sont en tous cas dans nos cœurs nos chansons et notre souvenir à jamais Zoé Zag Le Rossignol impitoyable (artiste lyrique tragicomique opérette et comique troupiere comédienne

  4. Les cendres de Noëlle ont été déposées au cimetière Montparnasse, dans le caveau où son frère Daniel a été inhumé, en1994. Beaucoup d’amis étaient là. Sa nièce, Laurence était présente, sa sœur Valérie n’a pu malheureusement se libérer. Beaucoup d’émotion pendant l’inhumation, des amis pleuraient. Une jeune femme (je n’ai pas retenu son prénom, coiffure colorée) a chanté à cappella un texte très émouvant, de sa composition. C’était beau. Vania, accompagné à l’orgue de Barbarie, a rendu un bel hommage en interprétant le magnifique « Champ de naviots » de Gaston Couté, avec la musique de Gérard Perron qui colle tellement à la peau. Et Noëlle est toujours en nous, elle va maintenant nous accompagner dans nos destinées. Au revoir, l’artiste.

  5. Noelle, je viens d’apprendre ta disparition.
    Une perte énorme. Je regrette d’avoir « zappé » le Limonaire et ton amitié 3 ans durant.
    Chanteuse et éduc sans gloire, ni professionnelle, tu m’as accueillie des années durant, ainsi que ma Maman, Denise, morte début 2018, éblouie par ta silhouette de jeune fille, et aussi ma bande d’ados, réfractaires et enthousiastes.
    Tu me manques. Ta vérité et ta discrétion sont irremplaçables. Ton courage et ta liberté aussi.
    Je t’aime, Noëlle, fortement. Et athéiquement;
    Martine

  6. Très touchée par ce message du 16 avril 2022 . J’ai tellement pensé à Noëlle en jouant ce samedi hier avec l’ami Calerlynck à Puycasquier …
    Merci de cette belle évocation .
    Elle nous manque tant
    N.Fortin

  7. Je relis avec émotion ce bel hommage. Orpheline du Limonaire et de Noëlle je suis et je reste. Lieu et personnes inégalables qui ont marqué et orienté ma vie, jeune parisienne que j’étais quand j’ai eu la chance de pousser un jour la porte pour écouter voir du cinéma muet. J’ai compris ce jour là pourquoi j’avais quitté ma province.

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