Paul Barbieri « Tout est fini depuis le début »

 

Paul Barbieri CD recto

Paul Barbieri «Tout est fini depuis le début»

13 titres Autoproduit

Tour de force, comment publier un disque totalement plombé (déjà, de par son titre, puis par son contenu) sans être plombant pour l’écouteur? Paul Barbieri réussit ce pari de nous entraîner dans son univers désenchanté sans nous donner des envies de suicide. Mais c’est tout juste! Et c’est avec le secours de l’excellent Thomas Valentin qui est au piano et a réalisé les arrangements et certaines compositions.

Avec son obsédant mal de vivre, l’artiste installe une posture résolument défaitiste sur la société, il en fait son fonds de commerce. L’on s’en vient à penser à un autre écorché vif qui mettait ses blessures en poésie, Allain Leprest, ou encore Mano Solo (qui figure parmi les références du chanteur). Si l’on songe à François Villon, ou Rimbaud, par moments, n’est-ce pas plutôt de Brel que Paul Barbieri serait le plus proche ? Totalement investi dans ses textes, il déclame ses mots sombres et lourds avec intensité, tel le chanteur disparu.

Mon âme, mon âme, … c’est le cœur qui castagne, ainsi commence le disque sur une musique de légèreté qui cogne le texte avec subtilité. La voix rauque et forte est allégée des arpèges du violon.
Genêt écrivait sur ce thème : « Mon âme, mon âme où m’entraînes-tu? ».  « Le poète a toujours raison », disait Ferrat, « qui voit plus haut que l’horizon ». Cette cruelle clairvoyance s’entretient avec fumées et alcools, qui épaississent l’avenir, le rendant plus noir que noir. Le poète s’adonne aux excès qui tuent, lentement, mais sûrement dans la décadence et la folie.

Alors le printemps revient / Dans de douces tendres ivresse / Nous rions de nos faiblesses / Alors dans de douces grotesques ivresses / Et dans une bulle d’eau de vie / Tout n’est pas rose, répond la voix féminine, celle de Jeanne Barbieri.

Un peu d’humour semble également pointer le bout de son nez dans le troisième titre Champignon. Tout est fini depuis longtemps/ Pourquoi perdre du temps /A s’irriter dans l’air du temps. Cette chanson donne son titre à l’album. Là encore, c’est la musique sautillante qui  suggère, tandis que les mots nous clouent au sol, Monde désenchanté / Qu’en finit pas de crever… Pour la dernière grand’messe. Plus Brel que ça, tu meurs, dans le fond et dans la forme. L’humour, si humour il y a, est un peu mouillant, comme dirait le même Brel.

Les sexes ramollis , inutiles, tordus / de cette vieille orgie où la viande remue, voici le dernier vers de Poème Dégueulasse, que cette fois nulle note ne vient égayer.
Saluons au passage Je joue qui aurait dû nous apaiser avec son air de valse. Las, la désillusion en est aussi le thème :  Je joue avec mon âme / une valse de Paname / qui passe par toutes les gammes.

Et pour clore l’album, une chanson sur la fin de vie qui évoque la disparition de ses aïeuls, très beau titre La Nonna, très respectueux, profond et romantique. Le piano égraine les jours, le poète se déchire la voix sur la mort, la fidélité dans la vie commune, Enfin je le rejoins / l’homme de ma vie.
C’est beau comme du Barbieri, et c’est tout. Fin de l’album.

Annie Claire 22.1.2017

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *