Samuel COVEL « Mue Imaginale »

Si Rimbaud avait une guitare en plus de son encre poétique, il ressemblerait peut-être à Samuel Covel qui dans cet EP bien dense nous fait découvrir son univers escarpé. En huis clos avec sa guitare, l’artiste distille des mots rêches qu’un accent méridional parvient difficilement à adoucir. C’est en fait surtout la guitare qui se charge d’arrondir les angles, surdouée et posée autour des mots dits. Les mots sont durs, crus car les situations sont déchirantes, voire désespérées. Il y a bien des roses et des sirènes, mais les roses « poussent dans les tapins » et les sirènes « crachent leur écume à la gueule du vent« .

C’est une folie avancée qui tient la plume de l’auteur et l’ivresse n’arrange rien. Dans Mes amis squelettiques : « Buvons la mer à boire, l’absinthe qui rend foule gosier qui bande, raillons le Bon Dieu et son éternité… Sur le bateau alors buvons encore« . En après l’apparition des sirènes qui s’ennuient, voici Daphnée « Dans ce lit de noyade où même les naïades n’osent pas s’embarquer / Daphnée c’est le feu de Saint Elme qui … me coule dans le sang / Vient s’échouer au bout du harpon de ma trique / Daphnée, au beau milieu / Enfin la mort, en cale sèche / S’écroule sur la plage.

Une fois dépassée la sinistre ambiance décrite dans les cinq titres, (le sixième est un magnifique instrumental), l’on s’attache à comprendre le fil conducteur du poète chantant qui semble bien jeune pour être en proie à des hallucinations éthyliques. En fait la clé est donnée dès le début de l’opus « Embrasse-toi sur mes lèvres… L’un est l’âtre, l’autre le feu, le titre parle de roses, mais la mort fait déjà son apparition, et tout le reste de l’oeuvre se déroule dans cette même logique, poésie infernale dans un climat de lutte ardente contre l’inévitable fin.

Cette écriture très elliptique est intéressante et il faut accepter les descriptions effrayantes de cette vie qui parle d’éléments hostiles, mais plutôt pour conjurer la survenue d’issue fatale. Pour ma part je vais rester sur l’évocation furtive de l’odeur des campanules ou des pâquerettes, car il y a cela aussi dans les textes de Samuel Covel, un romantisme qui se cache sous un jeu de guitare bien intentionné qui participe grandement à la magie de l’ensemble. Ecoutez cette guitare !!

Annie Claire 27.02.2019

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *