Prix Georges Moustaki 2020 – 10 ans de récompenses pour la scène émergente

 

Le Prix Georges Moustaki, fondé en 2011 par Thierry Cadet et Matthias Vincenot, vient de fêter ses dix ans avec cette dernière finale qui a eu lieu le 20 février dernier sur la scène du grand amphithéâtre Sorbonne-Malesherbes. Nous avions la grande chance d’avoir Pia Moustaki, le fille de Georges Moustaki, présente dans la salle. Une année importante donc, une belle expérience qui ne demande qu’à s’affirmer au moins une dizaine d’années supplémentaires. Ce prix récompense des albums, on l’oublie toujours, mais ce ne sont pas des artistes, mais des disques qui sont sélectionnés, des galettes autoproduites, au cours de l’année précédente. Cette année, c’était la production 2019 qui était présentée par leurs artistes. Il faut être libre le jour de la finale pour interpréter sur scène deux titres, si l’on est retenu par un jury de professionnels qui se réunissent plusieurs fois et retiennent sept candidats seulement. Voici le palmarès de ces dix éditions passées :

– 2011 MELISSMEL Le prix du jury et le prix du public

– 2012 VENDEURS d’ENCLUME Le prix du jury et le prix du public

– 2013 ASHKEHOUG le prix du jury 3 MINUTES s/MER le prix du public

– 2014 ROBI le prix du jury GOVRACHE le prix du public

– 2015 LIZ VAN DEUQ le prix du jury JULES & JO le prix du public

– 2016 ESKELINA les prix du jury et du public

– 2017 LEOPOLDINE HH les prix du jury et du public

– 2018 GATICA le prix du jury  GERVAISE le prix du public

– 2019 SIAU prix du jury LEILA HUISSOUD prix du public

– 2020 MATEO LANGLOIS prix du jury FRANCOEUR prix du public

 

Je suis moi-même dans le jury et je trouve très intéressant d’écouter en amont des chanteurs que l’on ne connait souvent pas encore. L’exercice est difficile, et il ne faut pas se laisser influencer par les collègues. Intéressant, mais aussi cruel, car il faut éliminer un grand nombre de disques qui n’ont pas l’assentiment de la majorité. Chaque édition a son Parrain et son Président de jury. Nous avions avec nous cette année comme Marraine la chanteuse SUZANE, tout récemment récompensée aux Victoires de la musique comme Révélation-Scène de l’année. Elle se produit au Trianon le 26 mars et c’est déjà complet. Quant au président du jury, il nous a fait une frayeur. MARCEL AMONT que nous attendions tous avec impatience, sa gentillesse est légendaire, a eu un accident de voiture quelques jours avant la finale, il n’a pu venir. Je me régalais à l’avance de l’entendre chanter le légendaire ‘mexicain basané'(1) en duo avec Suzane, ce qu’il aurait, je crois bien, adoré.

Vingt heures quinze pétantes, dans l’amphithéâtre de la Sorbonne-Malesherbes, la première candidate finaliste (par ordre alphabétique) est BRUNE. Elle a une voix juste, douce. Sa pop-electro est plutôt aérienne. Lui succède ABEL CHERET qui n’est pas un inconnu, mais qui a récemment changé de style. C’est un artiste jeune et original qui semble s’orienter vers un registre plus pop qu’avant. Puis vint FRANCOEUR, très attendue, bénéficiant en amont d’une bonne côte de popularité auprès des amis artistes venus nombreux la soutenir. C’est vrai que seule avec sa harpe celtique, elle intrigue beaucoup. Sa prestation n’est pas décalée pour autant, sa pop « onirique et aquatique » comme le dit sa fiche-artiste, force l’écoute, d’autant que sa voix est très intéressante. ANDONI IRRURIOZ s’installe après elle dans un style radicalement différent. Très offensif, le chanteur nous explique sa vison existentielle avec des mots bruts et des musiques fignolées par les recherchés Samuel Cajal et Bertrand Louis. Là je ressens le besoin de faire une pause et je vais de ce fait vous raconter les innovations de présentation de la finale pour cette année d’anniversaire du prix.

Des enregistrements video ont été réalisés par les jeunes de TéléSorbonne en amont. Chaque candidat répond à une suggestion de mots et ses mimiques et ses phrases vont nous aider à le comprendre. C’est astucieux, rapide et très parlant. Pas de bla-bla, pas de prétentieux qui s’écoutent parler, du bref, du concentré. Après que le visage de chacun se soit inscrit sur l’écran, une image de leur disque apparaît en fond de scène et ils effectuent leur prestation avec ou sans musicien. A remarquer que cette année les artistes primés ont chanté seul avec leur(s) instrument(s). ce n’est pas toujours le cas. Pour permettre au suivant de s’installer, et pour rassurer le chanteur qui vient de passer son ‘audition’, Thierry Cadet, en journaliste musical aguerri, s’approche pour échanger quelques mots et poser quelques questions opportunes au candidat. Tous les styles ont été essayés en matière d’interview, mais j’ai bien aimé la délicatesse de Thierry Cadet qui cette année a fait preuve de concision, d’humour et d’un vrai sens de l’à-propos.

Le dialogue avec MELBA était particulièrement croustillant, la chanteuse essayant (en vain) de dérouter son interlocuteur. Sur scène c’est une boule de mousse, elle rebondit sur chaque note et son look tout de rouge attirait l’attention sur ses déplacements. Il se dit qu’elle fait de l’electro-pop en français. En fait rien ne l’arrête apparemment, et ce style ‘rentre-dedans’  lui a valu deux sélections, celle du magazine FrancoFans et de la Manufacture Chansons, plus une résidence. THEOPHILE a gardé son bonnet sur la tête pour son passage, c’est son look aussi. Beaucoup parlent de Dominique A pour définir son chant, personnellement je ne trouve pas, mais je peux ajuster mon avis si nécessaire. Beaucoup de sensibilité chez cet artiste, et il me faut plus que deux titres pour comprendre son univers.

MATEO LANGLOIS est le grand gagnant de cette édition 2020. Je l’avais vu cet été au festival Pause-Guitare et j’étais sous le charme. Voilà un artiste complet, comme on dit, qui est instrumentiste (à l’origine saxophoniste), chanteur et danseur. Après un solo de sax, il nous a dévoilé sa voix, si étrange, si haute et si placée à la fois. Au clavier, dans une atmosphère jazz  qui joue le rythme, il s’est aidé de boucles savantes pour s’en aller exécuter ensuite une performance de dance sur la scène, une grande première dans l’historique du Prix Moustaki. Les programmateurs du jury l’ont plébiscité, et il est la vedette 2020 du Prix. L’on a pu suivre sur ma page facebook  toutes les images et les commentaires sur cette finale dès le lendemain de l’événement, ce jeudi 20 février 2020.

La remise des prix a été joyeuse, cette année pour l’anniversaire, toutes les personnes sur scène se sont mises à chanter « Joyeux Anniversaire » Prix Moustaki. Et puis la chanteuse Francoeur nous adit qu’elle avait fait le pari avec ses amis de faire sur scène le cri du dauphin si elle était primée. Elle s’est donc exécutée sans se faire prier et ce fut très-très impressionnant étant donné la puissance de ses cordes vocales. La soirée de finale de la dixième édition a également été ponctuée par une rétrospective en image des lauréats de ces années passées, c’était très émouvant. Il y avait aussi des images du jury. Le Prix Moustaki va également produire une compilation de titres des lauréats depuis la création du prix. Il comprendra Melissmell, Vendeurs d’enclumes, Askehoug, 3 Minutes sur mer, Robi, Govrache, Liz van Deuq, Jules & Jo, Eskelina, Léopoldine HH, Gataca, Gervaise, Siau, Leïla Huissoud, Matéo Langlois et Francoeur vraisemblablement. Pour participer à cette compilation financièrement, allez sur https://fr.ulule.com/compilation-georges-moustaki.

De plus, le partenariat du Prix Georges Moustaki avec le FestiVal de Marne  s’annonce sous de nouvelles couleurs. Denis Collinot, directeur artistique du FestiVal de Marne, est monté sur scène pour annoncer une grande Soirée Moustaki le 1er octobre 2020. Nous sommes ravis et désireux d’en savoir davantage. Belle édition donc, nous souhaitons bonne chance aux lauréats. On se retrouve l’an prochain pour la prochaine édition et en octobre 2020 pour le Festival de Marne.

Annie Claire 22.02.2020

(1) Ce n’est pas le titre de la chanson, ne le reprenez pas, le titre exact est Le Mexicain