Jacques Canetti et la dynastie Canetti

 

Amoureuse de la chanson française, je me suis toujours intéressée à Jacques Canetti. Je ne l’ai pas connu, hélas !! Il avait une grande aura, la réputation d’un homme intelligent, travailleur, honnête, cultivé, fidèle, mais surtout ce qui est le plus important à mes yeux, il s’intéressait aux autres. Il croyait en eux, il avait une intuition naturelle qui détectait ce que l’on appelle aujourd’hui « le potentiel ». Et puis un jour, lors de mes balades dominicales, je trouve dans une brocante son livre « On cherche jeune homme aimant musique » chez Calmann-Lévy. Je dévore ces lignes où fourmillent mille détails, des centaines d’anecdotes, des dizaines et des dizaines de noms. Plus récemment j’ai acheté le livre de Françoise Canetti « Brassens l’apellait Socrate » à l’Archipel. La fille de jacques Canetti fait beaucoup référence dans son ouvrage à celui de son père, j’avais l’impression de revivre la découverte de l’expérience racontée par Canetti dans son livre.

Le sous-titre du livre de Françoise Canetti, (écrit avec Véronique Mortaigne) est « Jacques Canetti, découvreur de talents ».  Certes Canetti était un directeur artistique, un producteur, mais il était surtout un homme de terrain. Il avait ouvert Les Trois Baudets sur les grands boulevards pour être son « laboratoire ». Ce théâtre lui permettait de mettre en scène ses artistes en herbe, plusieurs chaque soirées et de leur permettre d’évoluer dans leur carrière. Son idée était qu’il faut environ trois ans pour qu’un artiste se construise.

La fameuse « méthode Canetti », son esprit, sa philosophie devaient tout à la maïeutique des anciens. Canetti faisait parler ses artistes, il leur posait des questions qui servaient de catalyseurs pour que chacun puisse réaliser sa richesse particulière, son talent propre. Je reprends les noms cités par Françoise C. dans son livre : Edith Piaf, Charles Trenet, Georges Brassens, Jacques Brel, Mouloudji, Henri Salvador, Charles Aznavour, Michel Legrand, Jacques Higelin, Serge Gainsbourg, Boris Vian, Jeanne Moreau, Serge Reggiani, Guy Béart, Yves Montand, Pierre Dac, Francis Blanche, Francis Lemarque, Raymond Devos, Catherine Sauvage? Juliette Gréco, Anne Sylvestre, Brigitte Fontaine…, Canetti les a tous révélés à eux-mêmes et au public. Quand les artistes devenaient médiatisés, il les laissait poursuivre seuls leur carrière. Seuls, pas tout à fait, je l’ai déjà souligné dans mes précédents articles sur le sujet, il les confiait aux mains expertes de Charley Marouani, 1926-2017, qui a été l’imprésario de pas mal d’entre eux. (Tandis que son frère Gilbert Marouani, oeuvrait lui auprès d’Eddy Barclay [Johnny Hallyday, Michel Polnareff…]).

Jacques Canetti était lui né en 1909 en Bulgarie sous le prénom de Nissim, qui en hébreu signifie miracle. Ce nom lui va comme un gant, lui qui avait une endurance terrible pour faire exister ce qu’il avait pressenti, imaginé. Venant du classique avec des études brillantes en Allemagne, en Suisse et en Autriche, il était fou de jazz, mais surtout voulait s’étonner lui-même et faire des découvertes. Il donnait leur place à des artistes originaux comme Guy Béart, les Frères Jacques, ou Jacques Brel. Il avait une particularité, il aimait faire chanter les comédiens comme Serge Reggiani ou Jeanne Moreau, Rosy Varte, Jean Rochefort, Simone Signoret, avec une place spéciale dans mon coeur pour Jean Yanne. Avide de nouveautés, avec Marcel Bleustein-Blanchet il inaugura Radio Cité, créa les radio-crochets, les jingles. Mais ce qui le caractérise le plus à mon sens est qu’il n’aimait pas les phénomènes de mode, il était attaché à l’inédit. Ainsi appréciait-il l’esprit des chansonniers, comme Pierre Dac et Francis Blanche. Ce qui me fait aussi dire qu’à mon avis, il s’intéressait davantage aux personnes qu’à l’argent. Françoise Canetti de son côté écrit « Les chansons nous rassemblent et nous ressemblent », une définition très humaine également.

Françoise semble avoir hérité des qualités de son père et défend les artistes du Label Canetti  avec le même esprit que lui. Ce à quoi il faut ajouter qu’elle rend un hommage particulier dans son livre à sa mère Lucienne, née Arditti qui lui a donné tous les éléments fondateurs d’une vie équilibrée et réussie. Ainsi Pierre et Catherine Arditi (le nom a perdu un ‘t ») sont ses cousins. L’on trouve dans les deux ouvrages cités des tas de noms de personnes que l’on connait, et à la fin du livre de Françoise Canetti sont nommés Vanina Michel et Fabienne Nourbat qui ont assisté le grand Jacques Canetti et que nous connaissons bien par ailleurs.

Pour s’instruire, se distraire en vacances, lisons la famille Canetti et continuons à fréquenter Les Trois Baudets qui assure sa programmation en été. Je me souviens d’ailleurs y avoir vu en Juillet 2017 un très intéressant spectacle sur Jacques Canetti de Valentine Duteil avec Maxime Costa dans le rôle de Canetti, Victor Paimblanc en chanteur. Vous en trouverez le détail dans un article   ici sur Mandolino.

Annie Claire

11.07.2023